Inspire. Expire.Inspire. Expire. Je dois me concentrer. Inspire. Sur mes sensations. Expire. Uniquement mes sensations. Inspire. Ma respiration. Mon coeur qui bat au rythme de mes foulées. Expire. Les graviers qui roulent sous mes chaussures. L'air qui me chatouille le visage, les bras et jambes nus. Inspire. Je ne dois pas penser à autre chose que mes sensations. A Kyle. Expire. A ces moments si singuliers avec lui. A ses yeux, sa bouche et ses mains sur moi. Inspire. A cette attirance qui me rend folle. A cette soirée désastreuse. Expire. Pas si désastreuse. Cette soirée où j'ai tout gâché. Stop! Je n'en peux plus, ni de cette course sur les sentiers du bois de Vincennes, ni de ces pensées qui m'obnubilent.
Je regarde ma montre: cinquante minutes que je cours. Je ne sais pas par quel miracle, mais mon objectif est atteint, et je ne le prolongerai pas d'une minute de plus. Je ralentis mon allure jusqu'à la marche. Je suis tout près du lac Dausmenil, et après quelques étirements bâclés, je rejoins au pas le chemin encerclant l'étendue d'eau.
Nous sommes dimanche après-midi, et c'est une très mauvaise idée de se balader ici, au milieu de toutes ces familles encombrées de poussettes, trottinettes et autres objets roulant à moins de 3 km/heure, ces couples paressant dans l'herbe sous le miraculeux soleil de ce début de mois d'octobre, ces ados qui paradent sur leur slackline*. Et ce fond sonore à hauts décibels avec tous ces enfants qui crient, ces gens qui rigolent, ces autres qui parlent très forts, ces petits jouets à moteur sur le lac qui font un bruit épouvantable. Je me presse donc pour échapper à toute cette foule endimanchée, et arrive devant la station de métro Porte Dorée.
Et là, j'envisage la soirée qui m'attend, toute seule chez moi en tête à tête avec mes pensées les plus obscures, avec un Kyle fantasmé que je ne dois plus accueillir dans mes rêves éveillés.
Aujourd'hui, j'ai réussi à mettre le pilote automatique et ai été plutôt efficace au vu de mon état de loque. Mais, maintenant que j'arrive presque au bout de cette journée, au bout de cette semaine, je suis toute prête à m'effondrer sur place. Je décide d'appeler la seule personne encore capable de me réconforter.
– Axel?
– Alice, ça va? T'as une voix bizarre.
Je suis sur le point de sangloter, à la fois de soulagement de pouvoir parler à mon ami et d'un sentiment d'abattement profond.
– Est-ce que je peux venir te voir?
– Oui bien sûr. Tu es où là?
– Je suis à Porte Dorée. J'arrive d'ici une demi-heure.
– OK, je t'attends. Mais qu'est-ce qui se passe? Tu es sûr que ça va aller?
– Oui, oui, bafouillé-je entre deux pleurs.
Je ne perds pas de temps, m'engouffre dans le métro en direction de Saint-Michel.
Axel habite en colocation avec son ami Hugo depuis cet été. Il était dans un studio similaire au mien avant cela. Mais Hugo a un appartement familial, un trois pièces dans lequel il habitait seul. Il a donc proposé à Axel, avec qui il s'entend super bien, de s'installer avec lui pour un loyer dérisoire.
Trente cinq minutes plus tard, je suis devant leur porte.
Je toque, Axel m'ouvre et je fonds en larmes dans ses bras. Encore une fois, mon meilleur ami ramasse les morceaux de ma petite âme toute fissurée. Hugo apparaît derrière nous, et je vois son visage prendre un air désolé.
– Oh, Alice, ça va? Hmm.. Question idiote. Je vais vous laisser. Tu restes un moment?
– Je ne sais pas, murmuré-je en m'essuyant les yeux.
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Dans tes Rêves
RomanceAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...