Chapitre 57

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   Je me tortille sur ma chaise alors que le cours d'art moderne vient à peine de débuter en ce lundi matin. Cela fait déjà une semaine que la fac a rouvert ses portes et j'ai repris ma routine assommante. Non pas qu'elle soit accablante au niveau de la charge de travail, puisque le semestre vient à peine de commencer et que je n'ai pas encore le droit de courir de nouveau après le marathon que j'ai effectué il y a huit jours. Et Kyle n'est même pas là pour me fatiguer de tout l'amour qu'il aurait à m'apporter. Mais là est le problème justement, je n'ai rien à quoi me raccrocher pour oublier son absence.

Mon supplice est censé se terminer aujourd'hui. Cependant, n'ayant aucune nouvelle depuis déjà deux jours, je m'attends à tout moment à ce qu'il me prévienne que son retour soit encore repoussé. Tandis que les journées de cette trop longue semaine défilent, je ne peux éviter de construire en moi cette certitude.

Quelqu'un toque à la porte de la salle de classe, et une Morgane toute essoufflée entre discrètement. Elle ne prend pas la peine d'interrompre le professeur qui est en train de nous expliquer, comme si on n'était pas encore au courant, à quel point Édouard Manet a révolutionné le monde pittoresque, et elle s'installe à mes côtés.

Depuis le jour de l'an, nous avons renoué presque comme avant. Revenant plusieurs fois sur toute cette histoire de "flirt arrangé" avec Kyle, elle s'est encore expliquée à maintes reprises et j'ai avoué avoir peut-être été trop intransigeante envers elle, au vu du pardon presque prématuré que j'ai accordé à mon américain.

Une fois assise, elle prend le temps de reprendre sa respiration, et lorsque celle-ci semble un peu plus régulière, elle finit par m'expliquer :

— Putain, j'ai mis deux heures à trouver une place dans ce quartier pourri !

— Mais pourquoi tu persistes à venir en voiture, sérieux ?

— Parce que j'ai la flemme de marcher jusqu'au RER. Mais bon, finalement, vu que je suis garée à perpette, j'aurais mieux fait de pencher pour la solution des pauvres.

— La solution des pauvres et des écolo et des malins qui ne veulent pas perdre deux heures à trouver une place.

Elle roule des yeux et commence à sortir ses affaires de son sac.

— Ouais bon. De toute manière, je sors ce soir. Donc voiture indispensable.

Elle ne s'arrête jamais... En se tournant un peu vers moi elle me demande les yeux plein d'espérance :

— Tu veux venir ?

En toute sincérité, je serais presque tentée. Passer du temps avec mon amie m'avait manqué et le succès du jour de l'an me donne un peu plus confiance. Me voyant hésiter, elle ajoute d'un ton suppliant caricatural :

— Allez, viens! Il y aura Charline en plus.

— Kyle rentre aujourd'hui normalement, expliqué-je penaude.

— Ah, je comprends, OK. Les grandes retrouvailles.

J'hésite un peu avant de lui confier :

— En fait, je ne sais même pas si on va se voir. Je n'ai pas de nouvelles.

Elle me regarde bouche bée.

— Quoi ? Mais comment ça se fait ?

Je soupire devant sa question mal placée.

— Qu'est-ce que j'en sais ? Je ne sais même pas s'il est bien dans son avion.

Elle détourne son regard, une moue crispée sur sa bouche maquillée, faisant mine de s'intéresser au cours. Difficile de me dire quoique ce soit pour me rassurer. Surtout qu'elle sait qu'il a déjà décalé son retour. Au bout de quelques minutes où l'on n'entend que la voix du professeur résonner dans la pièce, elle me déclare sur un ton déterminé :

Dans tes RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant