Je me retrouve de nouveau sur cette péniche où les jeudis sont destinés aux soirées étudiantes. Comme toujours, Morgane est euphorique. A peine arrivées qu'elle reluque tous les gars du coin pour choisir sa proie de ce soir, je suppose.
Elle a voulu que je m'habille un peu plus que d'habitude. Ou devrais-je dire un peu moins. Une jupe en cuir noir me sied la taille et je porte un petit top gris clair. Mes jambes paraissent plus longues grâce à des bottines à talon noires. Et parce que j'ai voulu jouer avec le feu, je porte des bas. Je n'en ai pas l'habitude et descends ma jupe toutes les cinq minutes, stressant qu'on puisse entrevoir la bande supérieure de dentelle sur le haut de mes cuisses.
Morgane fait la bise à quelques personnes, échange deux, trois mots avec d'autres. J'imagine qu'en venant tous les jeudis, on finit par se connaître, entre habitués. Je sirote ma bière beaucoup trop vite, tente de rentrer dans l'ambiance en restant collée aux basques de ma copine et parlant aux personnes qui me paraissent à peu près sympas et pas encore trop ivres.
Et puis ce soir j'ai envie d'extérioriser ma rage. Celle que Kyle a fait ressortir encore une fois. Il est en train de me bouffer et je dois évacuer cette énergie nocive si je ne veux pas me laisser emporter jusqu'à la folie.
Ce soir, je vais oublier. Je vais boire, danser et me jeter sur celui qui voudra de moi. A peine cette pensée m'effleure qu'une main se pose sur mon épaule. Je me retourne. Tiens, le beau gosse interne en médecine de l'autre soir. Celui que j'ai lâchement laissé en plan. Rayane, si mes souvenirs alcoolisés ne me trahissent pas. Il me semble qu'il a coupé ses boucles brunes qui retombaient sur sa nuque la dernière fois.
— Alors tu es enfin revenue. Heureusement que je ne t'ai pas attendue tout ce temps devant les toilettes.
Je rigole en repensant à la semaine dernière. C'était en effet l'excuse d'une envie pressante que je lui avais sortie pour me carapater en vitesse sans lui dire au revoir.
— J'imagine que tu as eu le temps de soulager ta vessie depuis.
Je glousse.
— Oui, ça va beaucoup mieux.
— Alors peut-être que je peux te proposer de la remplir avec un nouveau verre ?
— Tu as une approche très classe avec les filles, dis-moi. Mais j'accepte.
— Hmm... J'hésite quand même...
Devant mon air égaré, il ajoute :
— Tu risques de me refaire le coup des toilettes si je t'offre quelque chose à boire, non ?
Je ris avant d'affirmer :
— Promis, ce n'est pas mon intention ce soir.
Nous nous avançons vers le bar pour commander deux bières. Rayane m'en tend une et nous trinquons.
— Alors, tu ne peux plus te passer de ces soirées, toi non plus ? me demande-t-il avec un sourire espiègle. Avoue que ce sont les meilleures.
Je ne vais pas lui avouer que selon moi, celle-ci ou une autre me conviendrait tout autant. Mais il est vrai que pour une fois, je passe plutôt un bon moment en sa compagnie. Il est doux et marrant, et, même si ma tête se trouve plutôt dans les nuages en provenance de Long Beach, je tente de me perdre dans les yeux sombres de ce garçon. Qui me fait beaucoup trop boire.
Après quelques verres, je suis pendue à son cou sur la piste, dansant tout contre lui. Et je pense encore à Kyle. A ses bras, à sa façon de danser, de me faire rire, de m'emporter dans l'instant présent. Peut-être qu'en fermant les yeux je peux imaginer que c'est lui qui m'étreint tendrement à cet instant. Qui caresse langoureusement la courbe de mon dos, puis celle de mes hanches. Que c'est lui qui presse ses lèvres sur la peau fine de mon cou avec ferveur et envie. Je suis tout à coup prise d'une mélancolie foudroyante. Alors je me raccroche plus fort à cet homme presque inconnu qui m'enserre plus près de son corps... excité. Je décide de relever la tête et d'embrasser celui qui a le mérite d'être à mes côtés et de me désirer.
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Dans tes Rêves
RomanceAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...