Chapitre 48

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Cela fait presque un quart d'heure qu'on poireaute, à faire la queue dans cette satanée poste de La Ferté. Une éternité que je n'avais pas mis les pieds ici.

— T'aurais pu en parler maintenant, à tes parents, de ton dossier d'échange, me dit Kyle.

Je l'affronte du regard, le sien perché tout là-haut.

— Oh non ! Ca va pas ? Pas avec toi à côté. Ils auraient tout de suite fait le rapprochement. Et puis je préfère attendre d'avoir les résultats du TOEFL avant de leur annoncer. A quoi ça sert de leur en parler si je le loupe ?

Kyle me prend le paquet que j'ai sous le bras pour le faire passer d'une de ses grandes mains de basketteur à l'autre.

— Tu sais que de toute manière on trouvera une solution pour que tu partes.

Je lui reprends le colis avant qu'il ne décide de faire un panier avec la poubelle un peu plus loin, tout en lui confiant :

— Je sais... Mais j'ai trop peur de leur réaction.

— Ils ont l'air plutôt sympas pourtant.

Oui, mais pour ces choses là, pour les décisions importantes ou les problèmes à gérer, ils ne sont pas des plus encourageants. Et puis, à part ce patelin au milieu de la forêt, ils ne connaissent rien d'autre. Alors j'ai toujours autant de mal à imaginer ce qu'ils vont penser d'un voyage prolongé aux Etats-Unis.

— Je dis juste que...

— Alice ?

Cette voix... Forcément, en traînant dans ce trou paumé, il fallait que je tombe sur quelqu'un qui me reconnaisse. Quelqu'un que j'aurais voulu ne jamais revoir. Je me retourne vers la personne qui m'a appelée, un peu plus haut dans la queue.

— Alice Chapellier ?

J'oublie instantanément comment je dois procéder pour respirer, malgré le caractère automatique de ce mouvement vital. Je ne suis pas capable non plus de bouger, encore moins de parler. Le garçon me regarde en fronçant les sourcils, sûrement parce que je ne réponds pas.

— Tu te souviens pas de moi... Valentin Poncet. On était au lycée ensemble. Ca fait quoi... quatre, cinq ans qu'on s'est pas croisés ?

J'utilise toutes les forces que je peux trouver pour réussir à articuler un mensonge.

— Désolée, ça me revient pas.

Je sens le regard inquiet de Kyle sur moi, qui enlace mes épaules d'un bras protecteur. Valentin glousse, l'air embarrassé, avant de sortir la plus grosse connerie qu'il aurait pourtant pu éviter.

— En fait, on est même sortis ensemble quelques semaines. Tu... te souviens vraiment pas ?

Il émet de nouveau un rire gêné avant de continuer :

— Mais bon, si ça ne te dit rien... Je ne dois pas...

Tout à coup, je vois les mains de Kyle agrippées au col de chemise impeccablement repassé de Valentin, celui-ci brutalement projeté contre le mur, renversant une chaise au passage.

Mother fucker ! crache Kyle avec férocité. Ne t'approche plus jamais d'elle, entendu ? Même pas tu lui parles !

Il semblerait qu'il ait fait le rapprochement entre ce jeune homme bien propre sur lui, et ce qui m'est arrivée au lycée. Il resserre sa prise et je vois Valentin complètement désorienté, choqué même, comme s'il ne comprenait pas ce qui lui arrive.

— T'as bien compris ? vocifère Kyle au visage de l'autre en resserrant sa prise.

Et il lui flanque un coup de poing en pleine figure. Je lâche un cri d'horreur, alors que Valentin essaie de se défendre. Je n'ai jamais, jamais vu une once de brutalité chez mon américain. Je suis moi-même hébétée de le voir ainsi. Tout se passe en quelques secondes. Tout le monde s'anime autour de nous. Quelqu'un crie :

Dans tes RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant