Chapitre 60

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   Il m'a quittée. Il m'a lâchée alors que j'étais persuadée que ce qu'on connaissait tous les deux était inégalable, que l'amour qu'on se portait mutuellement nous rendait invincibles. Comment ai-je pu être leurrée à ce point ?

Depuis que la sentence est tombée, je suis submergée par une avalanche émotionnelle, assaillie par une douleur vive, un gouffre effrayant, une colère sans borne. J'étais prête à tout donner pour lui. J'étais prête à tout sacrifier. Je me suis laissé capturer par ce garçon qui a joué avec mes sentiments et me relâche alors que je ne demande qu'à en être prisonnière.

Je suis une fille trop bien. C'est quoi "trop bien" ? Trop sérieuse ? Trop sincère ? trop gentille ? Trop niaise ? Je n'en peux plus de cette image qui me colle à la peau. Les choses vont changer.

Je ne veux plus éponger mes souffrances dans la course en ce moment. Je suis fatiguée. Je n'arrive plus vraiment à vaincre les moments difficiles en m'entraînant comme une acharnée, de toute manière. Je veux me perdre autrement.

Pour cela, quoi de mieux que d'appeler Morgane à la rescousse et l'accompagner dans ses soirées de débauche, nuit après nuit ? Nous voici toutes les deux sur cette péniche, dans cette soirée étudiante où j'ai bien l'intention, comme je l'ai fait la veille, d'oublier pour quelques heures celui que je n'aurais jamais dû laisser entrer dans ma vie.

Je me suis maquillée davantage qu'à l'accoutumée et ai sorti un haut que je n'ai jamais osé porter. Un top noir en tulle brodé de plumetis, dont la transparence et la coupe laissent peu de place à l'imagination quant à mes fines courbes.

Dès mon arrivée, je commande deux cocktails aux couleurs vives pour Morgane et moi. Celle-ci paraît à la fois déconcertée de me voir encore à ses côtés, mais surtout excitée de savoir que je suis enfin prête à tester son mode de vie nocturne. C'est déjà la troisième soirée à laquelle je l'accompagne cette semaine.

Le premier soir, elle m'a fait découvrir un bar à bière sur la butte aux cailles dans le treizième arrondissement. J'ai eu un mal fou à me mettre dans l'ambiance. Alors j'ai beaucoup bu et essayé de ne pas me fermer dès que quelqu'un venait à ma rencontre pour tenter de percer ma bulle de timidité. Malgré cela, je n'ai pris aucun plaisir.

Sans compter que j'ai eu un appel qui n'a pas aidé à me détendre. Nous étions attablées Morgane et moi, des bières artisanales bien trop amères à mon goût devant nous, lorsque mon téléphone posé sur la table s'est mis en mouvement, un nom bien voyant s'affichant sur l'écran.

— Valentin ? C'est qui ? m'a demandé Morgane de son ton caricaturalement curieux.

J'ai alors attrapé mon téléphone en vitesse pour le cacher dans mon sac.

— Personne, lui ai-je répondu en m'emparant rapidement de mon verre pour en boire une grande goulée.

Mon histoire, je ne lui ai révélée que par bribes succinctes. Et elle n'en saura pas plus étant donné son penchant à dévoiler les secrets des autres au premier venu.

— Ouh... Tu me caches quelques chose, toi.

— Morgane, ne me saoule pas. C'est juste un lourdaud à qui j'ai eu la bêtise de laisser mon numéro.

Vu mes piètres talents de fabulatrice, j'imagine que ma tentative de pirouette a rendu le teint de mes joues un peu trop rose. Et mon regard fuyant me trahissait encore un peu plus. Cependant, d'après l'air que ma copine arborait, je suppose qu'elle a plutôt cru à une possible nouvelle relation. Ô combien elle se trompe ! Mais je n'étais certainement pas prête à lui faire des confidences. Cette fille à beaucoup de qualités mais aussi quelques défauts insupportables. Et son incapacité à tenir sa langue se situe clairement dans la deuxième colonne.

Dans tes RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant