Nous voici, en ce dimanche midi, à La Ferté-Alais. En route vers ma maison familiale.
Ca fait des semaines que je n'ai pas vu mes parents, et ils nous ont invités, Kyle et moi, à passer cette journée ensemble pour fêter la fin de nos examens et mon rétablissement.
Après plus d'une heure de transport en commun, il nous reste encore quelques minutes de marche pour arriver dans le quartier où j'ai passé mon enfance. En ce mois de juin, le temps est doux, les jardins se succédant les uns après les autres le long du trottoir sont verdoyants et les arbres en fleurs. J'ai même piqué quelques cerises qui dépassaient de l'une des clôtures. Un temps qui fait du bien après la grisaille incessante de ces longues semaines passées. C'est Paris.
Tout en poursuivant mon chemin, je jette un oeil inquiet vers Kyle. Depuis quelques jours, c'est loin d'être la grande forme. Le teint blafard, les lourdes cernes accrochées à ses yeux brillants sont autant de signes préoccupants. Ses nuits sont très agitées, tandis qu'il semble fébrile et aphasique le jour. Il a l'air malade.
En fait, cela fait déjà plusieurs semaines que son état se dégrade. Peu après la réponse pour mon échange à Seattle, j'ai commencé à m'apercevoir qu'il paraissait de plus en plus fatigué, perdant l'appétit, et sa bonne humeur aussi. J'ai d'abord mis ça sur le compte des partiels, mais une fois ses examens achevés, j'ai dû me résigner, c'était de pire en pire. Il avait du mal à se lever le matin, s'isolait souvent, prétextant des maux de tête insupportables. J'ai insisté pour qu'il aille consulter un médecin. Mais, évidemment, ce n'est pas la peine selon lui. Tout va bien.
J'essaie d'être présente, comme lui l'est pour moi depuis des mois, sans trop l'étouffer et en évitant de lui montrer le degré de mon inquiétude s'amplifiant chaque jour un peu plus. De toute manière, je ne suis pas certaine qu'il le remarquerait. Son regard paraît vide, centré à l'intérieur de lui, comme s'il ne voyait plus ce qui l'entoure.
J'ai insisté pour annuler ce repas chez mes parents. Il a insisté pour le maintenir. Je n'ai pas voulu le contrarier, mais il semble avoir plus de mal à avancer que moi.
— C'est par là qu'habite Axel, non ?
Je suis le regard de Kyle qui se dirige vers une petite route de campagne bifurquant vers le village.
— Oui, c'est bien ça. Comment tu le sais ?
— Quand on venait te rendre visite, il prenait ce chemin pour aller voir sa mère. Il est ici aussi ce week-end, c'est bien ça ?
— Oui. On pourra toujours lui faire un coucou en repartant si on a le temps.
Je presse un peu le pas, car nous sommes en retard.
Ma maison familiale est à un bon quart d'heure à pied de la gare, mais je suis très fière de pouvoir l'effectuer sans aide. Depuis un petit mois, je ne porte plus les béquilles et marche presque comme avant. Mon genou reste très peu mobile et parfois encore douloureux, mais les progrès sont énormes. Près de cinq mois après l'accident, à me battre pour retrouver mon autonomie et avancer, je peux enfin considérer que j'ai réussi.
D'autant que j'ai pris la décision de partir à Seattle. Je ne suis pas prête à renoncer à ce rêve-là, et suis déterminée à affronter les complications que cela pourrait engendrer. Mais ce sera surtout une expérience inoubliable. Et le fait que je puisse compter sur la présence de Kyle a évidemment pesé dans la balance. Après tout, il n'y a que le soleil californien que je louperai.
J'ai tout de même expliqué ma situation à l'organisme s'occupant de l'échange, au cas où un changement de dernière minute serait susceptible de modifier mes plans, notamment par rapport à l'état de mon genou.
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Dans tes Rêves
RomanceAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...