Le froid me paraît toujours plus intense à l'orée des bois, où se trouve la maison de mes parents, qu'au milieu des immeubles de la ville, lorsque je suis à Paris. Et j'ai cette impression qu'il n'a jamais été aussi irradiant qu'aujourd'hui. Pourtant, je suis prête pour un nouvel entraînement. Je me suis déjà bien échauffée dans ma chambre, histoire de vaincre mon adversaire du jour. Ce temps glacial. Habillée en conséquence, je n'ai plus que mes baskets à lacer, et je partirai sur les routes de ma campagne, certainement encore recouvertes par le gel matinal.
Hier soir, nous avons terminé la soirée avec mes parents à discuter encore et encore de mon projet "fou", comme ils l'appellent. Je me suis excusée des insultes que je leur ai jetées à la figure, et je crois que ce moment marque une étape importante entre nous. Je me sens enfin soutenue. Et je suis impatiente de pouvoir raconter tout cela à Kyle.
A cette pensée mon téléphone vibre. Je l'attrape expressément, priant pour un coup du destin. Mais je suis prise de panique lorsque je vois le nom s'afficher sur mon téléphone. Valentin. Je ne réponds pas et attends, à regarder ce prénom que j'ai en aversion ne jamais disparaître.
Finalement, après quelques secondes bien trop longues, mon téléphone redevient silencieux. Et puis une nouvelle vibration. Un message. Je décide de l'écouter sans attendre : "Salut Alice, c'est Valentin. Comme promis, je te rappelle. J'ai failli passer chez toi hier, mais bon... j'ai préféré t'appeler d'abord. Donc, voilà, je voulais juste savoir si au final tu serais d'accord de boire un café. S'il te plaît. J'ai tellement de choses à te dire. Bon... j'essaierai de te rappeler tout à l'heure."
Que faire ? Je ne veux pas le voir. Mais si jamais il décidait réellement de passer chez mes parents à l'improviste ? Je vais attendre et prendrai une décision après mon entraînement. J'inspire une dernière fois l'air chaleureux de la maison, et pars vaincre ma flemme, le froid et ma limite contre moi-même.
A peine revenue, en jetant un oeil sur mon téléphone pour être sûre de ne pas avoir loupé Kyle, je m'aperçois que Valentin a de nouveau essayé de me joindre. Je m'affole de plus en plus à l'idée qu'il passe me voir chez mes parents. Rien que d'y penser, j'en frémis plus que durant cette dernière heure où tout mon corps a pourtant été enveloppé par l'air glacial de décembre.
Si je dois l'affronter, ce sera sur un terrain neutre. Et peut-être que ce serait l'occasion de vider mon sac. De lui dire à quel point il a bousillé mes dernières années. Peut-être qu'au final, le destin y était pour quelque chose, ce matin, lorsque mon téléphone a sonné. Sur un coup de tête je le rappelle :
— Hé Alice ! Merci de me rappeler ! Je t'avoue que je n'y croyais pas trop.
— Je peux raccrocher si tu préfères.
Un bref silence répond d'abord à ma pique sèche. Et puis :
— Non, non... Bien sûr, non. Alors... Est-ce que tu veux bien qu'on prenne un café ensemble ?
Je soupire, ferme les yeux, avant de me décider une bonne fois pour toute.
— Euh... rapidement alors.
— Oh, OK ! Merci Alice, merci d'accepter ! Tu es libre quand ? Tu veux qu'on se voie où ? Chez toi?
— Non ! Non, on n'a qu'à se donner rendez-vous au bar Le Relais, sur la place du marché. Cet aprèm, à quinze heures.
— D'accord, c'est parfait, merci, à tout à l'heure alors.
Ne crois pas que je le fais pour toi, salopard. J'en ai juste besoin pour te cracher au visage la haine que j'ai reçue pendant des années par ta faute, et passer enfin à autre chose. Je raccroche avant de l'insulter. Parce que clairement, ce n'est pas merci, moi, que je vais lui dire.

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Dans tes Rêves
RomanceAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...