Chapitre 28

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   Depuis quelques jours, je suis sur mon petit nuage rose et moelleux, avec cette impression que la gravité me retient difficilement au sol. Tout se passe juste comme il le faut avec Kyle. Et cette déclaration qu'il m'a faite la veille est comme une petite musique pétillante et colorée qui résonne dans mon ventre. Difficile de se concentrer sur autre chose.

Pourtant, j'ai aussi beaucoup pensé à Axel ces derniers temps. D'une autre manière. Axel qui ne va pas bien. Axel qui a besoin de moi. Axel qui a quelque chose d'important à me dire. Je l'ai vu plusieurs fois depuis lundi dernier, à la bibliothèque. Mais ce n'est pas le meilleur endroit pour se faire des confidences.

Aussi, je crois qu'il est temps de décrocher de nouveau quelques heures toutes roses de mon petit cumulonimbus, pour les offrir à mon meilleur ami. J'ai donc expliqué à Kyle que ce soir, je le réservais à Axel, de nouveau. Et, j'ai eu l'impression qu'il en a été agacé. Je peux le comprendre. Deux soirs que je passe avec lui cette semaine. Lundi dernier, maintenant aujourd'hui, dimanche... Ca fait peut-être beaucoup, j'avoue.

C'est la première fois que Kyle me fait ressentir aussi visiblement son impatience vis-à-vis de mon ami. Je lui ai déjà expliqué mille fois qu'il est absolument impossible qu'il y ait plus que de l'amitié entre Axel et moi; il sait très bien le rôle essentiel qu'il a dans ma vie, et que je le considère plutôt comme un membre de ma famille. Mais il est persuadé du contraire, et a même réussi à immiscer le doute en moi. Serait-ce possible que je me sois trompée, et que nous n'attendions pas les mêmes choses l'un de l'autre, Axel et moi? Ca me paraît tellement surréaliste, et angoissant parce que ça gâcherait certainement tout.

Ce qui est sûr, c'est que les deux garçons ne s'estiment pas trop. Chaque fois que je prononce le nom d'Axel, je sens apparaître une certaine jalousie chez mon américain qui "commence à être amoureux" (j'adore me le répéter en boucle depuis qu'il me l'a confié, hier soir).

Et finalement, j'ai l'impression que c'est réciproque. Axel n'a pas l'air de beaucoup apprécier Kyle non plus. Est-ce un concours de testostérone ou de cojones qu'on pose sur la table? Si c'est cela, je n'en comprends pas bien l'utilité, étant donné que chacun a sa place bien distincte dans mon coeur.

Biiip!

Mince! Je passe in extremis les portes automatiques du métro. J'ai failli oublier de sortir, à rêvasser comme je le fais. Je déambule dans les couloirs de la station Châtelet, vrai labyrinthe plein d'une cohorte de zombies. Tous ces gens qui se pressent, se bousculent, le regard absent, les lèvres pincées, le visage fermé. Même un dimanche après-midi!

En vérité, je sais que j'en fais maintenant partie, de ces parisiens froids et fuyants. On prend vite l'habitude de se comporter ainsi lorsque l'on fréquente la capitale. Je suis sûre qu'à la fin de l'année, même Kyle pourra mériter aussi son badge de parisien, pour mauvais délire dans les lieux publics.

Je me faufile enfin vers une des sorties de ce dédale, m'extirpe de la station de métro par le premier portillon que je trouve. Par chance, je suis bien située pour poursuivre mon chemin. Après avoir monté une tripotée de marches pour revenir à la surface, je me rends compte que le jour décline déjà, en cette fin d'après-midi. Je jette un oeil à ma montre. Comme prévu, je suis un peu en avance, pour me permettre de terminer le trajet à pied.

Axel m'a donné rendez-vous chez lui, mais je pense que nous sortirons dans un bar, à Saint-Michel. Et marcher vers la Seine pour ensuite rejoindre l'autre rive est une de mes balades préférées dans Paris. On se croirait dans un musée à ciel ouvert. Des tas de bâtiments plus beaux les uns que les autres encerclent le pont qui relie les deux quartiers et nous mène jusqu'à l'île de la Cité. Entre la Conciergerie et ses grandes tours médiévales, le Tribunal de Commerce et sa coupole haussmanienne, les théâtres presque jumeaux du Châtelet et de la Ville sur l'autre rive, les yeux n'ont pas de répit. Et comme nous sommes dimanche, il y aura certainement les bouquinistes et leurs petites boîtes vertes aux trésors pour touristes pour ajouter encore un peu de cachet.

Dans tes RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant