Alors que nous sortons de la boîte de nuit, malgré l'heure très avancée, il est encore trop tôt pour les premiers métros. Morgane est venue en voiture, mais elle doit déjà raccompagner Charline qui habite à l'autre bout de la ville. Alors Kyle et moi insistons pour qu'elles partent sans nous, prétextant qu'on trouvera un taxi facilement.
La vérité, c'est qu'en trouver un à cette heure-ci est très compliqué. Tout le monde sort de soirée dans ces eaux-là, et les places sont plus que chères. Il y aurait eu la solution Uber, mais je n'ai pas pris mon portable et celui de Kyle n'a plus de batterie. On aurait peut-être dû demander à Morgane qu'elle nous en commande un en fin de compte... Trop tard...
Alors on se met à marcher le long du boulevard de Bonne Nouvelle, puis Saint-Denis, espérant avoir la chance d'être sur la route d'une berline au signal "taxi" qui ne soit pas rouge, comme toutes celles qu'on voit défiler devant nous depuis que nous sommes sortis du club.
Au bout d'un bon quart d'heure, je commence à désespérer. Je sens qu'on va devoir se farcir toute la route à pied jusque chez Kyle. Entre nos deux appartements, le sien a beau être le plus près d'ici, il me paraît tout de même encore bien trop loin.
On passe alors devant une borne de Vélib', ces vélos parisiens qu'on peut louer.
– Bon... Il y a toujours cette solution, proposé-je à Kyle en montrant du doigt la borne.
Il soupire.
– T'es sérieuse?
– Tu vois autre chose? Sinon on en a encore pour au moins une bonne heure à notre allure.
Il réfléchit un instant en regardant avec un air découragé les vélos restants.
– Bon, allons-y alors, marmonne-t-il sur un ton las.
Il reste trois vélos seulement, dont un à moitié cassé. Espérons que les deux autres fonctionnent correctement. Parce que les Vélib', c'est un peu comme les Kinder Surprise, on ne sait jamais sur quoi on tombe.
Après avoir galéré pendant un bon moment devant la borne, à toucher tous les boutons possibles pour réussir à choisir les deux vélos restants, nous peinons ensuite à récupérer ces derniers. Est-ce qu'on va vraiment gagner du temps au final?
On se met enfin en route, moi devant, car mon américain ne connaît pas encore assez Paris pour nous guider jusqu'à chez lui. Et, il se trouve que, malgré la fatigue, malgré l'alcool encore présent dans mon sang, malgré l'envie d'être au chaud sous la couette, cette balade "Paris by night" à vélo est exaltante.
Je sens l'air froid sur mon visage qui me tient éveillée, mes longs cheveux balayés en arrière alors que j'accélère, mes muscles s'échauffant doucement, mes yeux légèrement plissés, piqués par l'air frais, scrutant les rues parisiennes à l'ambiance si singulière.
Je me demande si Kyle apprécie autant que moi notre petite virée. Je tourne un peu la tête, pas trop quand même, pour espérer l'entrevoir dans mon champ de vision et lui lance:
– Ca va derrière?
– Ca va très bien, ouais! J'ai une vue imprenable de là.
Pffff.... Je roule des yeux... Quelle finesse. Mais je cambre un peu plus les reins.
Sur le chemin, lorsqu'on prend les voies réservées aux bus, on a la place de se mettre l'un à côté de l'autre, et c'est encore plus agréable. Je ne regrette même pas qu'aucun taxi n'ait croisé notre route.
Histoire de rajouter un peu d'euphorie à tout ça, deux fois, je lui propose de faire la course, pensant pouvoir le battre à plate couture et me la raconter un peu. Vu l'entraînement quotidien que je me farcis, ce serait une récompense légitime. Mais ses grandes jambes ainsi que ses aptitudes en sprint acquises grâce au basket ne m'ont laissé aucune chance. Pas moyen de faire ma maligne, dommage... Mais au moins, moi aussi j'ai pu admirer la vue alors qu'il me dépassait à toute vitesse.

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Dans tes Rêves
RomansaAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...