Quelqu'un s'assoit à côté de moi et je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir que c'est lui. Je sens son odeur légèrement musquée, et une note d'agrume.
– Comment tu m'as trouvée ? je le questionne.
Ma voix sonne comme un couperet bien aiguisé.
– C'est vrai que tu m'as lancé un véritable jeu de piste. Rayon Art, deuxième étage, vraiment, un casse tête.
Je sens qu'il s'est tourné vers moi pour me faire part de sa plaisanterie, alors que j'arbore un visage fermé, hostile j'espère, depuis son arrivée.
– OK, bon... T'es moins con que t'en a l'air en fait.
Mais, à la vue de son air offusqué, je mets ma main devant la bouche pour retenir un rire trop bruyant.
– J'ai l'air con, hein?
Il paraît à la fois chagriné, amusé et un peu soulagé aussi. Je jette un oeil à l'autre garçon à ma table, qui n'a pas l'air de nous remarquer, complètement absorbé par son bouquin. Tant mieux. J'essaie rapidement de reprendre mon sérieux. Je m'en veux déjà; je dois maintenir le plus de distance possible avec Kyle_le_bad-boy.
– T'as bientôt terminé ? murmure-t-il.
– Non, pas encore. J'en ai pour une bonne demi-heure.
Qu'il patiente un peu, ça lui fera les pieds ! Et puis, il n'avait qu'à venir à la fermeture, s'il n'est pas content. Mais il reste impassible.
– D'accord, je t'attends.
Et je le sens près de moi, calme. Je me concentre de toutes mes forces sur ce que j'ai à fignoler, mais étudie aussi malgré moi, dans le coin de l'oeil, ses faits et gestes. Il reste patient, et attend, en effet. Il finit par se lever, et revient quelques minutes plus tard avec un livre à la main. Il le parcourt un moment, le feuillette distraitement. Puis retourne le reposer. Et l'heure tourne. Et j'avance malgré ma distraction. Et, enfin,
– Voilà, on peut y aller.
– Bon. Tu veux boire un verre ?
– Je croyais que tu avais à me parler ?
Je crois que mon ton reste bien tranchant comme il le faut.
– Ouais, je dois te parler. Mais ça nous empêche pas de le faire autour d'un verre, si ?
– En fait, je préférerais qu'on marche.
Je pourrais m'enfuir plus facilement si besoin.
– D'accord, comme tu veux.
Il sent bien le froid glacial que j'essaie d'instaurer entre nous.
Je range mes affaires, et nous partons, pendant que l'annonce de la fermeture de la bibliothèque se fait entendre pour la troisième fois.
Lorsque nous sortons du bâtiment assombri par la nuit, nous nous dirigeons vers les quais de Seine. On échange des banalités, évitant de se plonger tout de suite dans une discussion trop sérieuse. Au final, c'est surtout lui qui essaie de faire la conversation, comme s'il ne m'avait jamais balancé ses saloperies. Moi, je me contente de répondre par monosyllabes, évitant soigneusement de le regarder. Nous finissons par arriver près de l'eau, longeons la berge pavée, passant devant des péniches-restaurants ou -boîtes de nuit. Au bout d'une bonne demi-heure à esquiver le sujet qui m'intéresse, le silence s'installe et je n'y tiens plus.
– Tu voulais me parler...
– Ah. Hmmm... Ouais... bafouille-t-il.
Changement d'atmosphère. Je l'observe en essayant de me montrer détachée, et attends qu'il prenne la parole. Au bout d'un moment, je l'engage à se lancer.
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Dans tes Rêves
RomantizmAlice est en deuxième année à l'université, à Paris. Entre la fac, le travail, et sa passion, elle n'a ni le temps, ni l'envie de se laisser aller aux plaisirs de la vie étudiante. Elle a un rêve à accomplir et elle s'en donne les moyens. Pourtant...