Dans tes Rêves

Chapitre 77

   Les yeux pourtant ouverts, je ne vois que du noir. Je cherche un repère dans cette obscurité totale, sur lequel, peut-être, mes pensées pourraient également se fixer.

Je n'ai toujours pas ouvert le mail contenant la réponse pour mon échange universitaire aux Etats-Unis et n'en ai pas parlé à mon américain. J'ai tellement peur. Car peu importe la réponse, elle sera douloureuse d'une façon ou d'une autre. Si je ne suis pas acceptée, mon rêve est mis au placard. Point barre. Si je le suis, je vais devoir faire un choix.

Je me tourne, me retourne dans le lit de Kyle, tâtonne d'une main hésitante les draps froissés pour me diriger vers son corps et sentir sa présence. Lorsque mes doigts trouvent son dos nu, ma main s'y dépose et je me concentre sur les mouvements rassurants de sa respiration sous ma paume. Je me rapproche un peu de lui pour apposer l'empreinte de son corps sur le mien.

Apaisée par ce contact, j'essaie de me concentrer sur la soirée que nous venons de passer pour oublier cette réponse étasunienne à portée de main.

Je n'étais vraiment pas motivée lorsque Kyle m'a proposé cette sortie. Je me disais que peu importe ce qu'il avait prévu, j'allais forcément regretter ma couette bien chaude et le petit film que je me préparais à regarder pour décompresser des révisions. Surtout après le shoot d'endorphine qu'il venait de m'insuffler avec ses caresses ravageuses.

Je me suis pourtant trompée. Je revois encore, de la baie vitrée s'étendant le long de la péniche, le Paris by night qui s'offrait à mes yeux, alors que nous tanguions légèrement, le mouvement de l'eau nous emportant sur la Seine.

Sirotant des énormes cocktails, nous nous sommes rapidement retrouvés face à la cathédrale Notre Dame. Lumineuse et splendide, ses deux tours majestueuses se dressaient fièrement au dessus de nous. Je crois bien que mes yeux brillaient de la même étincelles que ceux de la petite fille installée à la table d'à côté, qui sautillait partout, le nez et les mains collés à la vitre.

Mon gentleman américain a profité de mes quelques secondes d'inattention pour me décocher une oeillade aussi railleuse que charmeuse, par dessus la table romantique qui me séparait de lui. J'ai à mon tour pris le temps d'apprécier la vue. C'est la première fois que je le voyais en chemise, constatant à quel point cette tenue mettait en valeur sa carrure athlétique. Ses mèches sombres, aussi rebelles que son tempérament, son air nonchalant habituel, son sourire en coin qui ne le lâchait pas se mariaient parfaitement à cette allure classy. Il dégageait un tel sex appeal, c'en était presque indécent.

Même si ses yeux, ses mains, ses mots exprimaient tout l'inverse à mon égard, je devais certainement dénoter à côté de lui, dans ma petit robe simple, style écolière.

Notre péniche a poursuivi sa route pour nous mener au coeur de l'un de mes quartiers préférés, le long de l'Île de la Cité. Je sentais mon rythme cardiaque s'emballer à la vue de chaque monument devant lequel nous dérivions, faisant à peine attention aux assiettes qu'on nous servait. Du pont des Arts, celui des amoureux, au théâtre du Châtelet en passant par le Louvre, nous avons fini aux pieds de la Tour Eiffel. Tout petits devant l'impressionnante structure de fer s'érigeant jusqu'au ciel de nuit. Illuminée, on aurait dit qu'elle était faite d'or.

En quittant la péniche, mon corps qui s'était habitué aux mouvements du bateau chancelait encore. L'effet des cocktails n'avaient pas dû aider non plus à arrimer mes pieds et mes béquilles au quai. Je me suis alors assise sur un banc face au fleuve scintillant sous les lumières de la ville, ai sorti notre liste de rêves pour inscrire une petite croix devant la ligne "bateau mouche". Si seulement cette petite excursion se résumait à ça...

De par cette traversée, j'avais l'impression d'entrevoir mon propre chemin parcouru tout au long de ces mois. Je laisse s'éloigner les obstacles, change de trajectoire, prends une route inconnue, voguant vers des perspectives aussi belles et sombres qu'impressionnantes.