Vie et mort d'un acteur (B&B)

Chapitre 1 - 2

Il a essayé de m'embrasser avant de sortir. Je n'ai pas opposé de résistance. Visiblement, il devait espérer que je le rejoigne avec allant. Je n'ai pas bougé. Il s'est donc arrêté et a fermé la porte. J'aime mon appartement et je ne m'y suis jamais senti seul. Tout ce bois me fait du bien.

Nous avons passé des nuits entières ici avec Arnaud. Je m'en souviendrai toujours. Il ne va pas disparaître de ma vie. Du moins je ne l'espère pas. A défaut d'être mon copain, il pourrait être mon ami. Un ami qui respecte ma nouvelle vie. Qui ne me juge pas. Qui accepte de me regarder comme ce que j'ai envie d'être.

Je sais combien être acteur sera difficile. Je sais que je vais mettre toute ma vie entre les mains de personnes qui m'utiliseront pour arriver à leurs fins. Je sais que je vais être l'objet des fantasmes, des convoitises, des transferts. Je sais que je vais croiser le danger et l'horreur. Mais serait-ce si différent de maintenant ?

Assis sur la chaise de mon bureau, je regarde le reflet de ma personne dans le miroir. J'y vois quelqu'un de décidé, de sûr de lui. Je sais qui je suis, ce que je suis prêt à sacrifier. Je connais mes limites et je les regarderai telles des conseillères. Mon futur Moi ne brûlera pas l'homme que je suis aujourd'hui.

Je ne sais pas ce qu'est une personne « comme moi ». Je ne comprends pas l'allusion d'Arnaud. C'est triste, mais je ne le comprends plus depuis longtemps. Il s'est enfermé dans sa vie d'étudiant confortable, futur professionnel. J'aurais peur à sa place. Peur de ne pas trouver de travail, peur de ne pas être pris en master, peur d'échouer, tout simplement.

Ce soir, il va boire. Puis téléphoner à nos amis. Leur raconter notre dispute. Essayer d'obtenir leur soutien. Ils sont tous au courant de mon projet. Je ne voulais pas qu'il me salisse. Je ne sais pas s'il le ferait. Mais je préfère prendre des précautions. Un homme blessé et amoureux est toujours dangereux.

C'est aussi pour cette raison qu'il fallait que l'on arrête. Arnaud représentait plus pour moi le danger que l'opportunité. La menace que l'espoir. La peur que l'envie. Moi, quand je me regarde dans la glace, je vois le champ des possibles. Devant moi s'esquisse un monde inconnu mais incroyable.

Bientôt je quitterai ce petit appartement. Je vais me libérer du poids que cette ville représente. Et si je ne réussis pas durant cet entretien, je réussirai au suivant. Ou au suivant. Je ne dois pas douter. Je ne peux pas douter. Je n'ai plus le droit de reculer. Ce serait malhonnête de ma part.

J'aurais aimé qu'il me soutienne. Mais je comprends aussi. Après tout. J'ai du mal à composer avec les émotions des autres. C'est difficile de ressentir tout et son contraire en même temps. J'aurais aimé être moins sensible. Moins percevoir la moindre parcelle de doute, d'inquiétude ou de peur qui émerge en moi.

Ma vie serait plus facile si je ne devais pas en permanence me demander si ce que je ressens est bien mon sentiment ou simplement le cumul des émotions des autres. Je suis sûr qu'un jour j'y arriverai. Tout comme je suis convaincu que ce sera plus aisé dans quelques jours, quand j'aurai réussi.