Chapitre 17 - 1

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Je rentre au sein de la collocation, groggy. Il n'y a personne pour l'instant. L'acte II a bien eu lieu. Je n'ai pas échappé au coup de mou traditionnel après un premier acte. L'équipe a été bienveillante et m'a donné quelques minutes de repos supplémentaire. Mais j'ai aussi compris que tout cela ne doit pas se reproduire trop souvent.

Au détour d'une de mes errances de décontraction, d'ailleurs, un acteur que je ne connaissais pas s'est approché de moi pour me proposer « de quoi tenir des heures entières ». Non. Je ne veux pas prendre de saloperies. Alors, redynamisé par une espèce de contrepied, nous avons repris la scène.

Tout s'est alors bien passé et c'est paradoxalement moi qui ai eu du mal à tenir dans la durée. Le producteur s'en est amusé mais ne m'a rien reproché. Jules s'est excusé de devoir filer mais il devait prendre un train pour retrouver sa famille. Il m'a embrassé rapidement et est parti. Heureusement que certains yeux étaient absents.

Il a de la chance de pouvoir faire aussi souvent des allers-retours pour retrouver ses proches. Ma sœur me manque. Mais pas le reste de ma famille. Qui fort heureusement ne saura jamais rien de ce que je deviens. Aussitôt, une idée de chanson me vient en tête. Je bidouille les enceintes pour que les basses crachent cette musique brisée.

Comment, qui sont-ils

Ces gens trop fragiles

Qui ne savent pas

Vivre quand tout lâche

Quand tout casse

Quand tout clash

Quand tous les blues

Ont sali ta raison

Ta maison, tes saisons

Quand tout est sombre

Plus rien n'est doux

J'ai peur de tout

Je ne fume pas, je ne bois pas et, pourtant, de manière amusante, j'ai envie à cet instant de me servir un whisky et de fumer une cigarette. Comme si la mélancolie de cette chanson me menait à adopter une attitude nostalgique empreinte de clichés. Il faudra que j'en parle à ma psy, assurément.

La chanson à peine terminée que la porte s'ouvre sur un jeune homme que je ne connais pas. Il s'agit du quatrième et dernier colocataire, le seul que je n'ai pas encore rencontré.

« Tu es Jérémy ?

— Tout à fait, enchanté !

— Et dire qu'à cause de moi, tu es contraint de partager un lit. Je te rassure je pars bientôt. Je me réjouis qu'ils aient pu trouver un nouveau coloc, je m'en voulais de les abandonner ainsi ! »

Vie et mort d'un acteur (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant