« Que dois-je comprendre, Marshall ? Pour m'embrasser, pour me faire des marques, là tu as su agir. Quand il s'est agi de m'accompagner aujourd'hui, tu sembles plus distant. Je ne suis pas une poupée entre les mains d'un collègue.
— Parce que tu crois que nous ne le sommes pas tous ? Dans ce métier, on est tous des morceaux de viande, pour la production, pour les abonnés, pour les gens en général. Comme si on n'était fait que de muscle et de sang pour gonfler notre bite. Je pensais que tu me considèrerais un peu plus.
— En quoi mon avis compte pour toi ? Je ne suis qu'un candidat parmi des centaines dont tu as pris en charge le dossier. Ne me fais donc pas ton numéro larmoyant. Je désapprouve vos méthodes, tes méthodes, ou du moins celles que tu appliques à la lettre.
— Tu crois que j'embrasse tous les candidats que je reçois ?
— Il faut bien que tu les testes par surprise, puisque c'est votre méthode ».
Je fais face à cet homme depuis quelques minutes maintenant. Et nous n'avons pas bougé. Nos visages sont toujours proches. Je suis incapable de dire si des gens nous entourent ou non. Nous avons juste notre discussion brûlante.
« Tu me prends pour un minable, en fait.
— Et toi pour un mec prêt à coucher pour avoir la possibilité de rejoindre votre studio.
— Mais qui t'as mis ces idées dans la tête ?! Je n'ai jamais dit ça !
— Je n'ai besoin de personne pour penser par moi-même. Je suis dépassé par le comportement dont vous avez tous fait preuve. Heureusement que ce sont les meilleurs casteurs, d'après toi. Je me demande comment sont les autres.
— Je dois comprendre que tu abandonnes, tu ne veux plus nous rejoindre ?
— Hors de question que j'abandonne. Jamais. En des années de carrière je n'ai jamais baissé les bras. Ce n'est pas mon caractère. A moins que tu neme mettes des battons dans les roues désormais.
— Ils sont sous ton charme. Je pourrais dire n'importe quoi, je serais balayé en quelques secondes.
— Alors nous nous reverrons lors d'un tournage.
— Tu as envie de tourner avec moi ?
— Je n'ai clairement pas dit ça. Tu peux très bien tourner dans la salle A et moi dans la salle B. Nous nous croiserons peut-être.
— Donc tu me fais porter à moi le chapeau ?
— Tu m'as recruté, tu assumes les méthodes.
— Je n'ai fait que la phase une, putain ! Arrête de m'accuser ».
Marshall me tient par les épaules, fermement mais en me laissant la possibilité de partir. Je le regarde dans les yeux et ne dis rien. Il n'a qu'à y lire ce qu'il faut.
« Je n'ai jamais avalisé ces nouvelles méthodes de recrutement. Je ne suis pas sûr que ceux qui demandent d'arrêter dans la salle d'attente s'en sortent indemnes. C'est peut-être traumatisant. Mais je ne peux rien y faire, j'ai besoin de ce job. C'est toute ma carrière, et j'aime ce que je fais. J'aime rencontrer des gens comme toi. Je suis sûr que tu me comprends ».
Pas vraiment non, je n'ai pas besoin de travailler ici pour gagner ma vie. Alors je comprends. Je comprends ton limité espace de liberté. Même si je suis sûr que d'autres studios accepteraient de te prendre. Je pourrais même te donner un coup de pouce avec ma plateforme. Mais tout ça, tu ne le sauras pas. Du moins pas encore.
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Vie et mort d'un acteur (B&B)
Ficción GeneralJérémy a pris une lourde décision qui ne manque pas de faire réagir son entourage : il veut devenir acteur. Non seulement il sait qu'il trébuchera de nombreuses fois, mais il doit composer avec ses proches qui tentent au mieux de l'en dissuader au p...