Chapitre 21 - 3

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Désincarné, je rejoins ma chambre. Ce soir, je suis de représentation dans un club. C'est la première fois. Sans doute la pire soirée. Celle pour laquelle je sens mon esprit complètement ailleurs. Pourtant, je n'ai pas le choix. Je le sais. Je suis passé à côté de cette conversation. Je n'ai rien dit. Je n'ai rien fait. J'ai été transpercé par Marshall, par ses mots, par sa vérité. La vérité. Mais il ne connaît pas la mienne. S'il savait, s'il imaginait, peut-être m'aurait-il évité tout cela. Peut-être.

Fort heureusement, ce soir, je n'ai qu'à être présent. Pas davantage. Ce sera déjà bien compliqué. Surtout que Marshall et Maël seront là avec moi. Pour me former, me montrer. Il n'y a plus rien à faire, plus rien à dire après tout ce que je viens d'entendre. Comment Marshall pourra-t-il bien faire.

Je suis emporté par une vague dont j'ignore tout de la force, de la violence, de la destination. Je l'aperçois dans le couloir. Il est déjà prêt. Il ne m'attendra pas. Nous nous rejoindrons là-bas. Et nous jouerons à faire semblant. Parce que nous n'aurons pas le choix.

Et quand nous reviendrons ici, nous serons deux colocataires se détestant, ni plus ni moins. A cause de moi. Ou bien grâce. Après tout, je vois combien Arnaud semble plus épanoui désormais. Il avait fait un pari qui s'est révélé perdant.

Reste à savoir comment je peux faire pour gagner. Pour faire gagner les autres. Ce n'est pas si simple. Surtout quand le mal qui s'instille par notre faute n'est pas volontaire. Mais comment lui dire. Comment leur dire. Je prends un papier. J'écris.

J'aurais pu être amoureux. Si seulement on acceptait de me regarder au-delà des faux semblants. Si seulement on brisait avec fracas tous les miroirs qui renvoient de moi l'image que l'on attend.

Qui saura se construire sa propre image de moi, en évitant tous les pièges que j'ai savamment construits pour que, méticuleusement, seuls les méritants puissent accéder à une mineure partie du véritable versant de l'infâme et pourtant claire personnalité qui est mienne.

Tout autour de moi virevoltent et fusionnent de splendides et immenses miroirs. Ils renvoient tous une des facettes qui constituent mon âme et ce feu terrible qui pourrait me consumer en l'absence de celles et ceux qui forment autour de moi cet immense collier de joyaux si précieux. Tout autour de moi se construisent des représentations et des images. Chacun choisit l'image de moi qu'il désire construire. Je ne suis que le reflet de la transposition de votre inconscient.

Je ne saurais compter ceux qui parviennent à briser les miroirs sans qu'ils ne soient blessés par le tonitruant fracas que leur éclat forme. Leur nombre décroît chaque jour, quand mon âme s'assombrit, prenant leur distance afin de n'être contaminé par cette étrange maladie qu'est l'obscurité.

Me dépasser et ne plus avoir peur du reflet que je renvoie. Me raisonner et à me démontrer que j'ai le droit d'aimer. Outrepasser l'incroyable trajectoire que je construis pour me protéger. Briser le brûlant et glacial cristal qui emprisonne mon âme. Le ferait-on.

J'ai fait rimer ma vie en évitant à tout prix qu'elle ne soit en contact avec ce qui pourrait la faire chanceler. Aujourd'hui, la flamme de ma vie s'essouffle de n'avoir connu ce qui la raviverait.

Vie et mort d'un acteur (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant