Vie et mort d'un acteur (B&B)

Chapitre 16 - 3

Dans une chambre attenante à une salle de bains simulée, je me retrouve donc, comme ce matin, seulement habillé d'un pantalon à chantonner. Les droits de la chanson n'étant pas acquis, ils ont dû piocher dans leur discographie, quitte à me proposer de l'anglais. Au regard de mon accent, je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse de la meilleure de leurs idées.

Après quelques minutes à simuler ma préparation, je me surprends à ne plus simuler. Je fredonne réellement, je me sens pris par l'air de la chanson. Marshall est là, contre la porte. Non... Jules. Je me ravise au plus vite et chasse ce premier homme de mon esprit. Me laissant finir mon dernier mot, mon partenaire commence :

« Elle est belle ».

Je connais ma réplique. Je sais ce qu'il va se passer. Mais j'ai envie d'improviser, de me laisser tenter.

« Je pourrais devenir hétéro pour elle.

— Tu... Tu ne crois pas que c'est exagéré ? tente Jules, complètement décontenancé.

— Tu ne trouves pas cette femme sublime ? répétai-je comme ce matin.

— Je ne commentais que la chanson, mais oui, c'est vrai ».

Je lui souris sincèrement. Jules en profite pour s'approcher de moi et saisir, délicatement, mon menton.

« Mais si tu devenais hétéro, je serais privé de tout cela, et je n'en ai aucune envie ».

Avec une fougue douce, une folie mesurée, il m'embrasse. Je me laisse porter par ses paroles. Il m'a dépassé. Après avoir repris ma respiration, je tente une réponse :

« Je m'en voudrais de créer ne serait-ce qu'un peu de manque chez toi ».

Pour ma seconde scène, j'abandonne l'idée d'être actif. Le scripte envisageait une scène de versatilité. J'ai surtout envie de continuer ce jeu, de maintenir Jules dans un état de tension tout en me donnant à lui. Du moins dans la scène. Et c'est lorsque, sur le dos, mes bras accrochés à son cou, mes jambes enroulées dans son dos, nous avons joui en même temps que j'ai compris que j'avais chamboulé ce qui était prévu.

J'ai joui, réellement. Intensément. Je n'oublie pas que je tourne. Même si j'ai complètement occulté les caméras et que je me donne sans filtre. Je termine donc dans la tendresse ces moments, alors que nous sommes couverts des stigmates de nos rapports. Jules me porte dans ses bras vers la vraie-fausse salle de bains et les lumières sont éteintes.

Notre douche, à deux, est bien réelle. Jules me remercie de l'avoir placé dans le duo de tête et me salue. Je reste donc là, un peu seul, dans la douche qui n'est pas faite de carton. C'est dans cet état que me trouve Marshall.

« Jolie performance. Il y a vingt-cinq minutes de film. Peut-être qu'il faudrait faire l'acte II pour que Jules soit passif. Au montage, on ne s'en rendra pas compte ».

Je n'écoute absolument rien. Je suis dans les vapes. Mais je ne sais pas exactement lesquelles.