Chapitre 28 - 2

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Malgré les demandes insistantes de Marshall, j'ai décidé de prendre un avion pour rentrer à Paris. J'ai fait mes valises, j'ai récupéré mon prix et désormais je profite un tant soit peu de la superbe ville catalane qui aura vu se dérouler sous ses yeux le crépuscule de ma carrière.

Il est si difficile, seul, de prendre du recul face à tout ce qui est en train d'arriver dans ma vie. J'étais convaincu que Marshall allait être furieux contre moi, qu'il m'aurait évincé du studio comme de sa vie parce que je n'ai pas su contrôler une espèce de pulsion qui me dépasse aujourd'hui.

Il y a tant de choses que je ne comprends plus, que je n'explique plus, qui m'échappe complètement quant à mon comportement.

Mon drame c'est mon ombre

Une ombre, une géante voilée

Qui grimpe et qui pousse le long de mon corps

Comme du mauvais lierre, comme un mauvais sort

Face à l'immensité de la Sagrada Familia, face à la grandeur et la hauteur de ses vitraux, face à la pureté de la lumière qui pénètre à la fois l'incroyable construction et mon âme, je me demande ce qui peut bien dysfonctionner chez moi pour que je sois contraint, malgré moi, à réduire à néant tout ce qui a un moment ou un autre peut m'apporter de la satisfaction.

Qui suis-je pour devoir suivre une thérapie d'immersion afin de tenter de guérir d'un mal qui au fond n'est pas douloureux ? Y a-t-il une force plus puissante que moi qui vient diligenter mes décisions contre mon intérêt ?

Mon drame c'est mon ombre

Est-ce le diable qui l'a cousue à mes pieds

Mon drame c'est mon ombre

Était-ce le diable le jour où je suis née?

Faut-il convoquer l'exorcisme pour que je parvienne enfin à ne plus faire du mal malgré moi, la première cible de ces actes douloureux n'étant que moi-même ? Le malin prend-il possession de mon esprit pour que parfois je ne sache plus qui décide réellement ?

Mon drame c'est mon ombre

Une ombre profonde comme la nuit

Qui gronde et ronronne

Quand je lui donne ma peur d'être seule

Ma peur d'échouer

Hélas, il n'y a ni diable, ni malin, ni tiers, qui puisse expliquer les décisions douteuses que je prends. Il n'y a que moi, pleinement responsable. Si responsable que ma prochaine décision rabattra les tables. Je l'espère.

Il n'y a que moi ma peur, il n'y a que moi et mes questionnements, il n'y a que moi et cette noirceur qui resurgit souvent. Parce que face à l'inhumanité des parents, face à la cruauté de l'être humain pour ses pairs, seules la noirceur et les ténèbres pouvaient me protéger. C'était du moins ce que je croyais.

Vie et mort d'un acteur (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant