Chapitre 26 - 1

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La journée se déroule à merveille, mes petits camarades ayant trouvé une force que je ne connaissais pas pour surmonter le manque de sommeil et les cocktails qu'ils ont avalés toute la nuit. Je pense que personne n'a avalé davantage. Aujourd'hui, ce sont les shows des différents studios qui viennent faire leur promotion.

En tant que français, nous avons notre petit succès, les différentes nationalités venant tenter quelques mots avec leurs accents respectifs. C'est à la fois flatteur et amusant. L'occasion de rencontrer de nombreuses nationalités ne peut qu'être saisie, que ce soit du point de vue du public ou des autres acteurs.

Malgré les concurrences, malgré les circonstances, je trouve que le milieu gay s'est empli de davantage de respect. Bien sûr, de nombreux – et le mot me semble bien faible face à la réalité – hommes aux muscles saillants ou aux torses simplement harmonieux sont présents, torse nu. Mais la lutte contre les discriminations notamment physiques s'est pleinement développée.

J'espère qu'un jour nous verrons davantage d'hommes de tous corps, de tous âges, de toutes tailles – et je pense à toutes les tailles – déambuler dans ces festivals. Ce serait un pas immense pour notre cause, pour notre communauté. Nous avons besoin de vivre ensemble de manière plus respectueuse.

Le respect a repris le dessus, si j'en crois mes amis. Visiblement, lors des shows, parce que les acteurs avaient tendance à être très tactiles entre eux ; des inconnus se permettaient de faire irruption eux aussi sur leurs corps. Des mains baladeuses en somme. Certains en riaient, d'autres en pleuraient.

Evidemment, comment ne pas penser à ce qui m'est arrivé. Sa main n'était plus baladeuse, à ce stade ; mais il s'agit de la même mécanique, comme si le corps des acteurs pornographiques était dépossédé de leur propriétaire au prétexte de son exhibition totale dans les films et partielle dans les shows.

Comme si autoriser les uns à être si osés permettait à tout un chacun d'agir de la sorte. La mécanique mentale des Hommes qui peuplent la Terre m'échappe parfois, pour ne pas dire souvent. Ont-ils, avons-nous tous une parcelle de mal, de ténèbres, en nous qui ressurgit face à telle ou telle situation ? Je commence à le croire.

Pour terminer le show de la journée, le public était invité à se rassembler par pays d'origines, autour du drapeau national. Qu'il est terrible de voir certains d'entre eux porter haut les couleurs d'une nation qui veut leur mort. Comment peuvent-ils encore se sentir citoyens de telles patries incapables de protéger tous ses ressortissants.

Que de témoignages recueillis, au détour d'un verre, d'une discussion amicale. La Circuit est une sorte de refuge pour eux, comme une bouffée d'air, ou plutôt d'oxygène, avant de nier encore et encore tout ce qu'ils sont. Je ne sais pas comment j'aurais réagi à leur place. Mais j'imagine que je serais parti.

Jusqu'au moment où je me rends compte... Si le pays n'a pas voulu ma mort, c'est mon petit pays, ma petite communauté, ma famille qui n'a plus voulu de moi.

Vie et mort d'un acteur (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant