Vie et mort d'un acteur (B&B)

Chapitre 5 - 3

Je sors des lieux peut-être encore plus tendu qu'au début. Avoir à portée de mains un des hommes qui me plait le plus crée des frustrations que je n'avais jamais soupçonnées. Il en va de même pour son comportement envers moi. Très ambivalent, parfois chaleureux, parfois plus froid.

Il va falloir que je cesse de penser mes relations au sein de la pornographie comme je pourrais le faire avec mes amis ou de nouvelles connaissances. Cela ne sera jamais pareil, ne serait-ce que parce nous mélangeons nos vies professionnelle, personnelle et sexuelle. Mais pas notre vie intime. Ca non, jamais.

Je rallume mon portable et constate quelques notifications diverses. Une sur Grindr, à laquelle je ne prête pas attention. Un profil de 66 ans qui me demande si je suis acteur. Forcément, le lieu est connu et visiblement les plus pervers viennent dans le coin pour essayer de croiser des stars du X.

En revanche, l'historique des visites me perturbe. Arnaud est venu sur mon profil une dizaine de fois depuis tout à l'heure. Qu'essayait-il de voir ? Ma position ? Une évolution sur ma description ? Comme si j'allais annoncer sur Grindr mon hypothétique recrutement. Sa psychose est inquiétante.

Lui, en revanche, a changé son profil du tout au tout. Bien sûr, nous avions un profil en vue de rencontres amicales, donc les photos étaient sages. Mais il ne lui a pas fallu longtemps pour se dénuder et annoncer clairement qu'il voulait « baiser souvent ». Le ton est donné. J'espère pour lui qu'il y parviendra.

Le SMS de tout à l'heure m'intéresse bien davantage. C'est Lauren qui me demande de l'appeler dès que je sors du studio. Je m'exécute donc.

« Oui, mon chat, dis-moi tout ! Ou plutôt dis-nous tout, Joachim écoute attentivement ce que tu vas nous dire.

— Ca s'est bien passé. Je vais sûrement être convoqué pour faire un shooting photo.

— Vous n'avez pas déjà fait le casting ?

— Apparemment, ça ne se fait plus. Du moins pas sous cette forme. C'est la première scène qui sert de vérification.

— Et le casteur, il était comment ? demande de manière plus éloignée Joachim.

— C'était Malcom...

— Malcom d'X Anges ? s'exclame-t-il.

— Lui-même ».

J'entends un waouh de loin et un rire incontrôlé de ma sœur. Elle reprend :

« Je ne sais pas qui c'est, mais il est estomaqué, rigole-t-elle.

— Il te montrera des photos tout à l'heure. C'est l'un des acteurs X les plus beaux. Du moins, pour moi.

— La scène va donc bien se passer alors.

— Hélas, ce ne sera pas lui, j'aurai le choix parmi des volontaires.

— Oh, dommage... »

Ma sœur, pourtant jamais vulgaire, lâche un « oh, putain, c'est clair ». J'imagine que Joachim a dû lui montrer une photo de Malcom. Vraiment, dommage.