Gravé dans l'arbre, ou dans le marbre

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Dans ces lieux assoupis, cimetières perdus

Qui font dortoirs fleuris, de nos anges déchus,

On recueille les fleurs, finissant par faner,

Et les souvenirs de nos pierres du passé.


Larges sillons de croix, plantées comme des roses

Au milieu il y a moi, contenant mes névroses,

Sur la tombe d'amis, et d'amours au sanglot

Jusqu'au bout de la nuit, au milieu des tombeaux.


Les tombes scintillent de lumières éphémères

Et mes yeux lubriques, livides en concert,

Avec l'orchestre de pierres tombales en deuil

Noie les amours oubliés au fond du cercueil...


Dans les dortoirs fleuris, j'ai le cœur à genoux

Quand s'acharne la pluie, sur les plumes hibou

Qui dans l'essor hulule, ode à nos amis morts,

Des lueurs crépuscules, qui cherchent un réconfort.


Je suis là devant toi, et te dédis ma lettre,

Je suis las, ici-bas, et te dédis mon être,

A l'encre de mes larmes et à l'encre du sang

Que cœur sonne l'alarme, au pourquoi du comment.


Sur le bavoir des terres, à gerber nos regrets,

Les fleurs des cimetières, communient pour nos plaies,

Et moi qui crie ton nom, dans les dortoirs silences,

Réveiller le pinson qui déplore romances.


Dans les dortoirs fleuris, se construit le jardin,

Des siècles de nos vies, quand on était gamins,

A graver dans l'arbre nos initiales d'amour

Finiront sur le marbre des pierres un beau jour.


Dans les dortoirs fleuris, on prie que les poussières,

Que lambeaux des amis, qui nourrissent la terre,

S'amoncellent en sacré, pour ne former plus qu'un,

Et qui sait que renaisse à nouveau ce jardin.


Dans les dortoirs fleuris, y'a les fleurs de l'amour,

Qui nous laissent ébahi, qui t'enlèvent un toujours

Aux gravures de nous, aux gravures je t'aime,

Et mon cœur à genoux, à nourrir chrysanthèmes.


Dortoirs cérémonies, de nos anges déchus,

Contant les mélodies, à nos âmes perdues,

Comme un vent de fantôme, qui flagelle nos fleurs,

Je suis là comme un môme, à te chanter mes pleurs.


Dans les dortoirs fleuris, aux peines qui m'assaillent,

Vient comme une éclaircie, oui pour combler mes failles,

Les rires des enfants, de quand j'étais gamin,

Qui font naître printemps, qui font naître un jardin.


Dans ce dortoir en fleurs, sillon de champ de croix,

Il y a toi pleures et murmures au pourquoi,

Quand les corps se séparent, au rythme des adieux,

Les souvenirs s'emparent, de la peine à tes yeux.


Dans les dortoirs fleuris, il y a tant de noms,

Tant de rêves infinis, qui s'échouent au pardon,

Pardon de nos mémoires, qu'on s'était promis,

Ne pas faire des mouchoirs, notre meilleur ami.


Sous les pierres de marbre, et sous les planches en bois,

Au souvenir de l'arbre, des étreintes autrefois

Je sais que tu es là, dessinant l'horizon,

A planter des lilas, à chanter les saisons...


Dans les dortoirs fleuris, tu fais naître un jardin,

Et moi le cœur meurtri, je l'arrose chagrin,

Ton corps de sous les planches, ton âme dans les cieux,

Et la colombe blanche, de nos cœurs amoureux.


Mon cœur bat toujours, mon cœur battra pour toi,

Au cimetière amour, même en dessous la croix

A changer chrysanthèmes en des roses divines,

A changer mes poèmes en de douces comptines.


Dans le dortoir je vois, dessiné dans l'écorce

De ce chêne pantois, qui me redonne force,

Nos deux noms gravés là, et nos rires à la sève

Et nos rires aux éclats qui font naître les rêves.


Dans les dortoirs fleuris, sommeillent sous les tombes

Les cœurs de nos amis, sur lesquels la pluie tombe

Puis il y a toi mon père, et puis nos compagnons

Qui font perdre repères, chavirer mes chansons.


Dans les dortoirs fleuris, cimetières perdus,

Dans ces lieux assoupis, de nos anges déchus,

On recueille les fleurs, qui font naître un jardin

Qui font tanguer les cœurs, et qui chantent un destin...

Recueil de poésiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant