Chez l'épicier du coin

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Aux premières lueurs

Quand la lumière pâle,

Vient baigner de chaleur

Cette plaine hivernale,

Moi je coure les rues

Entre les gouttes d'eau

Sous les arches perdues

Les arcades en lambeau

Quand ruisselle serpentant

Entre les vieux pavés

Les larmes du géant

De l'univers entier

Il est temps de faire halte

Où les enchantements

Lézardes dans l'asphalte

Oui le temps d'un instant.

Quand le seuil est franchi

La parenthèse s'ouvre

Et la cloche retentit

Sur la porte en bois rouvre.

Sous mes yeux ébahis

Chez l'épicier du coin

Un bout de paradis

Dont le ciel est témoin.

Dans ce repère exaltant

Richesse de tant de choses,

Crème et beurre  Normand

Et des bouquets de roses

Sur le bois des étals

Quand tous les sens s'éveillent

Sur le tréteau bancal

De ces pommes vermeilles.

Aux disparues framboises

Sous les myrtilles et fraises,

Pour nos âmes pantoises

Aux idylles en genèse.

Sur les tapis vestiges

Jarres de miel onctueux

Où chavire vertige

Des ballots farineux.

Et les tomates, timides,

Blottis contre melons,

D'humeur ronde et humide

Sous le local fanion.

Puis au fond les épices

Safran, curry, cannelle

Aux senteurs des délices

Qui nous donne des ailes,

Le persil et le thym,

Dans les chétifs bocaux

Nous montrant le chemin

Eclairés du falot.

Dans les sacs de lentilles

Transpercés par les plis

Où toutes baies frétillent

S'écoulant comme pluie,

Sur l'étagère du fond

Les bouteilles qui consolent

Quand le cœur se morfond

Pour écluser l'alcool.

Et puis les sucreries

Les fèves de cacao,

Qui font gamins qui rient

Face aux clameurs haro.

Les sucettes et nougats

S'entremêlent aux réglisses

Qui brise l'omerta

Sous nos regards complices.

Puis les relents fumés,

Où traversent odeurs suaves

En valsant sous mon nez

De mon regard qui bave

Au pied du mur de suie

Camembert et roquefort,

Viennent conter leur vie

D'un nectar humble et fort.

Entre les confitures

Les farines et le pain

Chantonne la nature

Du verger de ses mains

Et puis soudain, dehors,

S'est éclipsé ciel gris

Pour une lumière d'or

Des couleurs d'éclaircie,

C'est le moment pour moi

De quitter ce joyau

Pour une errance sans toit,

Ma maison sans chapeau.

Recueil de poésiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant