Feu d'artifice

693 34 12
                                    

-Maman, regarde! Les monsieurs en marron ils font un feu d'artifice dehors! Dit la petite fille en pointant du doigt les immenses nuages de fumée noire.

Paniquée, la mère tira sa petite fille en arrière pour l'éloigner de la fenêtre. Bien lui en pris car le mur volat en éclats dans la seconde... Un sifflement dans les oreilles, elle ouvrit les yeux et toussa. Elle entendait les cris, les bruits des bombes qui s'abattaient sans relâche sur les immeubles voisins. La guerre faisait rage aujourd'hui, encore plus que d'habitude!

Mais cette fois, elle était perdue... Les hommes en marron couraient dans les rues jonchées de graviers, poursuivis par d'autres hommes en noir. La mère se releva difficilement, tentant d'endiguer le flot de sang qui s'écoulait de son ventre. La petite fille, elle, ne comprenait pas ce qui arrivait à sa maman. Pourquoi ne se levait-elle pas? Il fallait pourtant partir pour aller chercher un autre appartement, celui-ci était cassé!

-Viens maman, on s'en va!

Trop tard. La petite fille entendit des grosses voix monter dans les escaliers... Elle ne comprenait rien! C'étaient les hommes en noir.

- Maman, c'est les monsieurs d'en face!

Toujours à terre, la jeune mère tentait de se relever. À l'annonce de sa petite fille à peine âgée de 5 ans, sa tête retomba sur le sol. Elle devait la protéger, mais comment faire?!
La fuite. C'était la seule option. Elle lui offrit alors son plus beau sourire, et lui dit d'un ton faussement jovial:

-Ma chérie, on va jouer à cache-cache! Va te mettre derrière la porte de la cuisine, et dès que les monsieurs arrivent, tu cours dans la rue pour trouver une autre cachette. D'accord?

La petite fille était heureuse de ce retournement de situation! Mais et sa maman? Où allait-elle se cacher?

-Mais... Et toi?

La jeune femme rit, mais se stoppe bien vite. Sa blessure lui faisait bien trop mal pour lui permettre un tel effort...

-Moi? Oh mais je suis trop grande pour jouer à ce jeu, ma puce... Allez, dépêche toi!

La petite courut se cacher à l'endroit convenu. La voix de sa mère lui parvint alors, entrecoupée par des sanglots:

-Ma chérie... N'oublie pas que je t'aime, je t'aime de tout mon coeur. Sois forte!

L'enfant ne comprenait pas le comportement de sa mère. D'habitude, elle jouait avec elle, et pire encore: elle ne pleurait jamais!

"Les grandes princesses ne pleurent pas!"

Au fond d'elle, la petite savait que maman ne plaisantait pas. Que les monsieurs en noir ne jouaient pas avec les petites filles... Ils sont comme les monsieurs en marron, ils n'ont pas le temps! Aussi, lorsqu'elle les entendit entrer, ses jambes ont fait leur travail.

Aussi vites qu'elles ont pu, elles l'ont portée hors du petit deux pièces dans lequel elle avait passé toute sa courte vie. Un frisson d'effroi traversa sa colonne vertébrale quand elle entendit de nouveau le feu d'artifice, car cette fois, il venait de sa maison...

-Eh, toi là!!! Attrapez-la!

Les monsieurs en noir l'avaient vue. Elle dégringola les escaliers à une vitesse vertigineuse, ratant quelques marches en cours de route. Elle avait mal, sa cheville droite n'avait pas suivi le mouvement et la lançait terriblement... Mais ce n'était pas le moment de s'arrêter!

Les monsieurs en noir ne doivent pas me trouver, ils ne doivent pas me trouver, ils ne doivent pas me trouver, ils ne doivent pas me trouver!

Ça y est, elle est dans la rue! Elle continue. Elle court dans la poussière et les gravats, elle entend les bruits du feu d'artifice! Quelque chose la frôle alors, et se plante dans un mur en face.

Drôle d'insecte!

Cet "insecte" de métal venait de faire un trou dans le crépi défraîchi. Elle ne devait pas le laisser la piquer!

Prise de panique, elle s'engouffra dans une petite ruelle et se jeta sur la première porte venue. Elle se plaqua dos à celle-ci, espérant que les adultes ne la voient pas.

Leurs pas lourds résonnaient sur le sol de terre battue, et ils semblaient l'avoir perdue de vue. Elle pris alors le temps d'observer son environnement... C'était une petite maison toute simple, avec des fresques peintes sur les murs. Soudain, ses yeux se posèrent sur un visage familier!

-Ça va?

Le petit garçon hocha doucement la tête, sans dire un mot. Il était assis dans un coin, prostré dans l'ombre, si bien qu'elle avait failli ne pas le voir... Mais elle savait qu'elle avait une très bonne vue, sa maman le lui avait toujours dit! D'ailleurs... Quand tout ça sera fini, elle devra rentrer à la maison, elle pourrait s'inquiéter.

Elle se résigna à quitter la sécurité précaire de sa cachette pour aller rejoindre son copain. Avant que les monsieurs en marron et en noir n'arrivent, la petite allait à l'école avec lui. Ils étaient dans la classe des grands, au CP!

Elle se souvient que, pendant une récréation, il l'avait entraînée à l'écart pour lui dire 3 mots. 3 mots qui avaient abouti à sa première "histoire d'amour". C'était au mois de mai, un vendredi... Le lendemain, c'était les vacances! Mais il allait lui manquer...

Il lui avait tenu les mains et le lui avait dit sans préavis.

"Je t'aime!"

Et il avait tourné la tête et était devenu tout rouge. Elle se souvenait qu'elle était très très contente qu'il lui ait dit, car elle aussi était amoureuse du petit garçon... Alors elle lui avait simplement fait un bisou sur la joue et avait répondu d'une voix douce: "Moi aussi je t'aime" en lui prenant la main.

Il lui avait demandé: "Est-ce qu'on peut faire le bisou comme les grands?"

-C'est quoi le bisou des grands?

Il s'approcha d'elle et posa simplement ses lèvres contre les siennes. Elles avaient le goût sucré d'insouciance... Celui des heures passées à jouer dans les rues avec les copains, le goût de l'enfance.
C'était son premier bisou. Ils étaient restés à deux toute la journée, et la maitresse les avait même mis à côté! Les autres copains rigolaient, parce qu'ils les avaient vus, mais ils ne savaient pas ce que c'était!

Sortant de ses souvenirs, la petite saisit la main de son amoureux et s'assit à côté de lui pour lui faire un câlin. Il était tout triste, car il avait perdu son papa: il avait couru, mais il s'était retourné et ne l'avait plus vu...

Les deux enfants restèrent ensemble un long moment et finirent par sortir pour se cacher derriere un gros rocher... Jusqu'à ce que les monsieurs en noir ne les trouvent. Elle regarda le garçon, tout aussi terrifié qu'elle, et lui demanda:

-Tu restes avec moi, hein?

-C'est promis. Dit-il en prenant sa petite main dans la sienne.

Cette fois-ci, c'est elle qui fit le premier pas:

-Je t'aime fort...

Les larmes aux yeux, il répondit:

-Moi aussi je t'aime.

Ils regardèrent alors les hommes en noir braquer leurs fusils sur eux, alors qu'ils se tenaient la main. Ils n'avaient pas peur. Ils savaient que s'ils restaient ensemble pour cette fois, rien ni personne ne pourrait jamais les séparer.

Ce jour là, de nombreuses personnes montèrent les escaliers du ciel. Seules deux petites âmes se démarquaient du lot par leur aura chatoyante, collées l'une à l'autre... Un petit garçon et une petite fille.

Ce soir là, il y eut deux nouvelles étoiles dans le ciel. Elles étaient si proches qu'il était impossible de les distinguer... C'étaient les plus brillantes de toute la Voie lactée.
⭐🌟⭐🌟⭐🌟⭐🌟⭐🌟⭐🌟⭐🌟⭐

Une petite pensée pour toutes ces familles détruites par la guerre. Ce n'est pas parce que les Occidentaux vont bien que le reste du monde est en paix, bien au contraire...

Mini fanfics youtubeurs X readerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant