- Novembre 1993

418 27 50
                                    

Par une journée particulièrement ensoleillée aux couleurs chatoyantes et automnales, après le repas de midi, j'étais chargée de surveiller le parc de l'école juste avant la reprise des cours.

- Oh non... Je dois surveiller la cour avec Rogue, remarquais-je en contemplant le planning accroché en salle des profs.

- Bonne chance, lança un collègue sur un ton ironique.

J'adressai alors un regard à cette petite silhouette noire au loin, mais Rogue ne me considéra pas.

On s'était retrouvé dans le parc du château à tourner en rond dans l'attente dont on ne savait quoi, la fin de ce calvaire imaginaire peut-être. Rogue me paraissait distant, froid, renfermé sur lui-même, peu avide de discussion et moi-même je n'avais pas très envie de discuter avec lui. Il utilisait un crayon pour touiller son café, tandis que j'avais les bras croisés en tenant mon journal dans les mains en gribouillant parfois des trucs à l'intérieur en attendant que le temps passe... Un détraqueur volant au loin semblait nous guetter en laissant trainer une vapeur noire et sinueuse derrière lui telle une longue cape.

Au bout d'un temps, des acclamations attirèrent notre attention. Un peu plus loin sous le saule cogneur, des élèves étaient en train de se quereller. Des feux d'artifice surement produits par des baguettes magiques voltigeaient un peu partout autant que des insultes. Une troupe d'élèves huait un élève en le poussant sous le saule cogneur. L'arbre commençait à agiter ses poings. La situation devenait dangereuse. Le professeur Rogue accourut et intervint plus vite que moi. Je l'aidai à dissiper le groupe d'élèves en mettant le pauvre élève à l'écart.

- Rentrez immédiatement au château ou je vous colle un détraqueur au derrière ! lança-t-il aux élèves sur un ton mauvais après les avoir mis en retenue.

Le petit groupe d'élèves prit la direction du château sur un air abattu.

- Ce qu'ils peuvent être terribles entre eux, ça me met hors de moi rien qu'à les voir faire, laissais-je échapper tandis que les feuilles orangées du saule cogneur tombaient au-dessus de nos têtes.

Rogue laissa échapper un petit rictus et une agréable odeur de café avec des touches d'aftershave me tintait les narines lorsqu'il s'approcha de moi.

- Le harcèlement scolaire a la terrible malédiction d'influencer l'apprentissage, dit-il soudain tandis que nous nous éloignons de l'arbre.

On aurait dit qu'il maitrisait assez bien le sujet quand on connaissait sa façon d'enseigner.

- Je fais tout mon possible pour que les élèves ne subissent pas ce genre de chose, pas dans mon cours en tout cas...

- Et vous agissez avec des points en moins ? Vous pensez que cela suffit à leur faire entendre raison peut-être ? dit-il sèchement. Vous n'avez pas eu une vie bien difficile, n'est-ce pas ? Pas assez suffisamment injuste comme on pourrait le croire !

- Malgré les apparences, je n'ai pas toujours été « idolâtrée » comme vous pouvez l'imaginer... lui assurais-je. J'ai subi des moqueries car j'appartenais à la maison des « plus faibles »... Dans les cours en communs, mais aussi aux récrés. Surtout aux récrés... Donc je peux comprendre certaines choses, comme le fait d'être le bouc émissaire, par exemple.

Il m'adressa soudain un regard de ses yeux plissés.

- De toute évidence, cette cérémonie de Répartition fait soit des heureux, soit des misères, dit-il d'une voix à peine élevée. Bien plus de misère qu'il n'y parait...

- C'est surement vrai. Vous savez, mes parents m'ont envoyée étudier à Poudlard contre leur gré. Quand je suis arrivée ici, j'étais vue comme une étrangère. Il n'y a pas eu un jour où, durant mes premières années, je n'ai pas désiré rentrer en France. Je me sentais mal à l'aise dans ce château, je n'étais pas chez moi. Je détestais tout de cette école... Cette mentalité de nous mettre dans des boites étiquetées... Ce vieux château hanté partant en friche... Mais j'ai patienté jusqu'aux BUSES puis jusqu'aux ASPIC, poursuivais-je tandis qu'il m'écoutait. Je ne pouvais de toute façon pas me permettre de rentrer à la maison les mains vides. Et finalement, j'ai réalisé que j'avais passé mes meilleures années juste avant de quitter Poudlard, si bien que je regrettais de devoir partir... Peut-être que c'est pour cette raison que je suis revenue ici aujourd'hui, rajoutais-je en souriant.

Mais le professeur Rogue, par son regard ombragé par ses sourcils noirs ne semblait pas du tout d'être de cette humeur.

- Enfin je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça... De toute façon personne ne peut comprendre mieux que celui qui a été harcelé lui-même, encore moins l'harceleur.

- Cela a eu l'effet complètement inverse pour mon cas... dit-il amèrement dans une sorte de murmure comme s'il se parlait à lui-même. Autant hâte de mettre un pied à Poudlard que de foutre le camp. Je m'étais juré de ne plus revenir dans une école. Mais regardez, par un mystérieux concours de circonstance, je suis présent moi aussi... Mais vous, vous aviez des parents, une famille derrière vous et des amis sans doute, qui voulaient le meilleur pour vous, n'est-ce pas ? Donc vous n'avez pas à vous plaindre.

- Une famille oui. Mais je n'arrivais pas vraiment à me faire des amies ici. Mon seul vrai ami à Poudlard, c'était mon journal intime à qui je racontais toutes mes misères, que je rendais invisible pour ne pas que les filles de Serpentard ne me le volent et le lisent devant toute la classe, pour « apprendre à me connaitre »... De toute façon qui garde encore des liens avec les amitiés du collège ? Mes véritables amies qui m'ont soutenue, sont mes amies d'enfance qui sont restées en France en m'écrivant régulièrement. Je trouvais les gens renfermés sur eux ici. Et ça n'a pas changé apparemment... Poudlard est peut-être réputée mais parfois l'ambiance laisse à désirer. Peut-être que ça dépend des promos.

- Ouh, non, cela ne dépend pas des promos, je vous l'assure d'expérience, s'enquit-il. Chaque promo à son lot de perle attitré. Il en faut bien pour amuser la galerie, me direz-vous. Une question se pose de toute évidence, mademoiselle : vous êtes française mais vous n'êtes pas entrée à Beauxbatons, pourquoi ?

Je le contemplais boire une gorgée de son café, légèrement étonnée par sa question. Je n'aimais pas boire du café mais je dois avouer que l'odeur savait flatter mes narines.

- Beauxbâtons est une grande école de luxe et je crois que mon dossier ne leur convenait pas. Je n'étais visiblement pas assez pure et digne pour faire honneur à leur école... Et mes parents ont décrété que payer le Poudlard Express à chaque vacances revenait moins cher que d'aller à Beauxbatons dans le sud de la France en carrosse.

- Une Poufsouffle indigne ? Permettez-moi d'en douter... lâcha-t-il dans un rictus. Il n'y a apparemment pas plus loyal qu'un Poufsouffle. Décidément, on en apprend tous les jours. J'ignorais que cette école refusait des sorciers de sang-mêlé. Savez-vous que l'illustre alchimiste Nicolas Flamel était français et avait justement étudié à Beauxbatons ? Il y a rencontré son unique femme avec laquelle il a fabriqué l'élixir de Longévité qui lui ont permis de vivre ensemble à travers plusieurs siècles. C'est un travail tout aussi remarquable qu'admirable...

- Surement... Les grandes écoles forment les grands sorciers. Les Flamel devaient être de sang pur. Voilà pourquoi j'ai été pétrifiée l'an dernier, repris-je d'un ton maussade. Mes grands-parents que je n'ai jamais connu étaient visiblement soit des moldus soit des vélanes, mais en aucun cas des sorciers.

- Et vous l'ignoriez ? me demanda-t-il soudain.

- Mes parents et mes grands-parents que je connaissais étaient des sorciers, il me semblait donc tout naturellement d'être de sang pur aussi.

- Ne vous faites pas avoir par vos sentiments et vos émotions, mademoiselle, dit-il en me scrutant soudain de ses yeux plissés. Il vaut mieux ne pas porter son cœur en bandoulière... Surtout avec les détraqueurs qui rôdent. De toute évidence, il va de soi que Beauxbatôns a raté une bosseuse.

Nos regards se croisèrent soudain et je lui souris instinctivement. Je me rendis soudain compte que nous étions arrivés dans le hall du château et que nos chemins allaient se séparer ici. Je m'étais comme transporter un instant hors de l'espace et du temps durant notre conversation. Le professeur Rogue allait descendre aux cahots donner ses cours et moi monter à l'étage pour retrouver ma classe pour donner les miens.

- Je pourrais être d'accord avec vous professeur, mais je pense également qu'il ne faut pas être totalement dénué de sentiment. C'est ce qui fait de nous des êtres humains. Honnêtement, si je n'écouterais pas mes émotions, la vie me serait bien triste. Si j'agis c'est parce que j'ai cœur à faire les choses, sinon la vie n'aurait pas de sens.

- Hm.

Il me tourna le dos puis disparut dans la pénombre des escaliers en descendant vers les souterrains obscurs du château. Bien que froid et distant Rogue me parut poli. Il était finalement moins féroce qu'il ne paraissait quand on parlait de certain sujet. 

Celui dont on doit prononcer le nom : Severus Rogue, notre nouvelle célébritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant