- Avril 1992

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J'avais continué de fréquenter le professeur Trelawney en dehors des cours. Elle ne sortait pas beaucoup de sa salle de classe perchée en haut d'une tour, car peu de gens l'appréciait vraiment, ou c'était elle qui n'appréciait personne, enfin... Par sympathie, j'allais la voir de temps à autre quand j'avais un moment. J'étais montée plusieurs fois par son échelle de bois grinçante puis arrivais dans une pièce enfumée d'odeur.

A chaque fois que j'allais la voir, elle n'était jamais surprise de ma présence. Elle le savait d'avance. C'était limite si elle ne m'attendait pas avec du thé préparé à la main en me tenant la trappe qui servait de porte. Elle avait vu dans sa boule de cristal que j'allais passer la voir. Elle avait toujours la langue bien pendue, on bavardait bien ensemble. Elle me faisait sourire avec ses horoscopes.

Un jour, elle avait calculé la numérologie de mon prénom. Elle avait pris chacune de mes lettres, leur avait attribué un chiffre dont je ne savais quelle manière, puis les avaient additionnés, soustraits et avait obtenu un numéro. Elle avait ensuite associé ce chiffre aux astres... Je ne comprenais pas tout, mais avec son troisième œil, tout cela lui paraissait évident.

- Vous serez sur tous les fronts, Marguerite Duchamp. Vous gagnerez en responsabilité et cela vous sera encourageant. Vous pourriez vous laisser surprendre par un inconnu... Ne cherchez pas à connaitre les réponses, mais à comprendre les questions.

Trelawney était même capable de me dire le passé et l'avenir de mes collègues et de mes élèves. Mais en ce moment, ce qui l'intéressait de me parler, c'étaient des derniers potins sur les profs en m'y mettant au courant alors que j'étais la dernière arrivée. Elle commença par me dire que Quirrell allait perdre la tête, que Hagrid allait perdre un ami, que Minerva McGonagall était veuve, que Rogue était un vieux garçon... Que des choses joyeuses ! Ah si, j'ai rigolé quand elle a prétendu que Rusard et la bibliothécaire, madame Pince, entretenaient des relations et que ça faisait au moins soixante ans que Dumbledore ne s'était coupé les cheveux et la barbe.

Rusard, je ne l'ai jamais aimé. Il était vieux et grincheux et me faisait peur à avoir des yeux derrière la tête. Même si tout le monde était au courant qu'il était un cracmol, on se méfiait quand même de ce qu'il cachait dans son bureau... Il avait pris un sacré coup de vieux depuis que j'étais sortie de Poudlard.

Quant à Irma Pince, la bibliothécaire, elle passait son temps à gueuler, à brailler comme une poule qui venait de pondre un œuf, auprès des élèves qui ouvraient la bouche à la bibliothèque quand elle avait son nez pointu piqué dans un livre. Elle n'était pas vraiment aimée des élèves et avait un humour particulier. Je me souviens qu'un jour quand j'étais élève, en étude, elle était venue nous chercher d'un :

- Qui m'aime me suive !

Personne n'avait bougé. Il y avait eu un silence désertique.

- Bon, les élèves pour la bibliothèque, venez quand même.

Je me demandais ce qu'ils avaient en commun, Rusard et elle, à part vouloir torturer des élèves.

Je n'aimais pas trop non plus madame Bibine. Elle aussi criait beaucoup, surtout sur le terrain quand on apprenait à voler. Je ne savais toujours pas ce qu'elle mettait dans son bol au petit déjeuner, mais elle était pleine d'énergie à n'importe quelle heure de la journée. Cette femme dynamique, vive et sportive ne savait pas parler. Elle se croyait toujours un terrain de Quidditch, même le midi à la Grande Table des professeurs :

- Hagrid ! Envoyez la sauce ! Non, à gauche ! Hop ! Merci !

Par contre Hagrid je l'a-dore ! Il avait toujours été gentil, serviable et agréable avec tout le monde. C'était un gros nounours à qui on avait facilement envie de faire un gros câlin si... il ne sentait pas cette infecte odeur de chien mouillé. On le repérait à des kilomètres à la ronde rien que par son odeur et ses lourds pas qui faisaient trembler le sol. Il me faisait rire car il était assez maladroit. Une fois, il avait cassé une chaise en voulant s'asseoir à la Grande Table. Même Dumbledore avait ri après avoir réparé la chaise d'un coup de baguette magique. Hagrid aimait bien me taquiner depuis que j'étais prof.

- Bah alors, qu'est-ce qu'elle raconte la Miss Duchamp ? dit-il en donnant une tape amicale qui faillit me mettre par terre tandis que je m'étais abandonnée à mes rêveries.

C'était le garde-chasse favori de tout le monde qui mettait toujours un gibier sur la table. On pouvait compter sur lui pour manger et boire à notre faim à Poudlard. On ne le voyait jamais à l'œuvre, mais c'était lui qui était chargé de rapporter de la viande et des légumes frais aux elfes en cuisine.

J'aimais bien aussi Pomona Chourave. C'était ma directrice quand j'étais étudiante. Elle avait ce côté chaleureux et bienveillant, qui dans mon inconscient me faisait office d'une deuxième maman. Elle m'avait vachement bien encouragée et soutenue tout au long de ma scolarité. Elle s'entendait bien avec Minerva McGonagall. J'ai l'affreux souvenir de l'avoir vu une seule fois se mettre en colère quand je dormais encore dans le dortoir des Poufsouffle. Sa tête joufflue était devenue rouge et enflée tellement elle était furieuse car des élèves de premières années avaient laissé enfuir leur animal de compagnie par inadvertance. Il y avait eu un désastre dans toute la salle commune. Une bataille à mettre sens dessus de dessous toute la pièce, avec des crottes de lapin, de rat et de poils de chat et des plumes de chouette qui volaient de partout et sur les fauteuils. Je me réjouissais maintenant de ne plus dormir avec les élèves et d'avoir ma propre chambre.

Il y avait aussi Dumbledore et Mcgonagall que j'appréciais tout autant mais que l'on ne présentait plus, pour qui j'éprouvais un infini respect. Et aussi Flitwick qui enseignait bien. Mais il pensait toujours à mille chose à la fois. Parfois il transportait ses livres par lévitation et lançait un autre sort alors que sa baguette était occupée avec ses livres. Du coup, toute la pile était tombée par terre, il s'entrava dans ses livres en manquant de tomber lui aussi avec ses petites jambes...

Sibylle Trelawney paraissait gentille aussi, bien qu'un peu étrange. Mais à présent, au fur et à mesure, je commençais à ne plus trop la supporter. Autant sa personnalité que sa matière et sa façon de faire. Elle voulait s'immiscer jusque dans ma vie intime à vouloir savoir ma date de naissance et mon signe astrologique. Elle m'embobinait avec ses visions et ses fumées trop bizarres qui me faisaient tourner la tête à m'en donner la nausée, sans parler de son horoscope et ses prédilections qui n'avaient ni queue ni tête. Elle avait tendance à se mêler de ce qui ne la regardait pas. Vie privée et intimité n'existaient pas avec elle. C'était difficile à dire si c'était par simple altruisme ou pour exercer une sorte d'influence sur moi, mais je préférai arrêter de la fréquenter plutôt que la savoir dire à tout le monde que j'allais finir vieille folle entourée de chats. Je comprenais maintenant pourquoi elle n'était pas appréciée. C'était le genre de connaissance qu'on faisait en début d'année scolaire, la première personne qu'on côtoie les premiers jours, mais avec qui on finit par se détacher car on se rendait compte que l'on ne s'entendait plus ensemble et nos centres d'intérêt divergeaient.

Celui dont on doit prononcer le nom : Severus Rogue, notre nouvelle célébritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant