Chapitre 4 : A cœur ouvert ✓

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Lorsque je descends les escaliers, je perçois la voix de Maria s'élever du petit salon. Mon cœur rate un battement quand je reconnais les intonations plus graves de mère lui répondre. Ainsi, les choses sérieuses vont commencer...

—   Élisabeth, comment s'est passée votre rencontre avec la marquise ? 

Le tintement de cuillères sur la porcelaine m'indique que Maria est en train de servir le thé. En effet, une odeur de camomille arrive jusqu'à mes narines quand j'entre dans la pièce. De la camomille ? Elisabeth Louise Marchaux Deroy ne boit jamais de camomille. Il semblerait que je ne sois pas la seule à ne pas me sentir dans mon état normal...

—   Fort bien, fort bien. Elle n'a encore une fois pas manqué de me vanter les mérites de son frère, répond-elle en ajoutant deux sucres dans sa boisson chaude.

—   Le gendre idéal, hm ? Peut-être que... 

La domestique s'interrompt lorsqu'elle me remarque sur le pas de la porte.

—   Un peu de camomille, ma petite ? me lance-t-elle, un sourcil moqueur pointé vers le ciel.

—   Non merci, Maria, ça ira comme ça. 

—   Bien ! Dans ce cas, je vais vous laisser. Je vais aller donner un coup de main aux filles dans la cuisine. 

Sans plus de cérémonie, elle nous laisse mère et moi dans un silence étouffant, uniquement perturbé par les crépitements du feu dans la cheminée. Redoutant son humeur, je me contente de fixer mes doigts de pieds en attendant patiemment qu'elle prenne la parole en premier.

—   Viens t'assoir à côté de moi, Marina. 

Elle tapote la place à ses côtés de ses doigts à la manicure irréprochable, me sortant de ma torpeur.

Nerveuse comme une puce, je m'assis sur le fauteuil, raide comme un piquet.

—   Je... nous avons commencé à parler toutes les deux en même temps ce qui nous fait rire et adoucit l'atmosphère.

—   Commence, m'enjoint-elle, doucement.

—   Je tiens déjà à m'excuser pour mon comportement inacceptable de ce matin, lui dis-je en tortillant mes doigts comme une petite fille.

Mère lâche un petit rire et avale délicatement quelques gorgées de sa tisane.

—   Je dois bien concéder que ta réaction était légitime, quoiqu'un brin trop dramatique. Mais bon, tu tiens cela de ton père. 

Dans la lueur du feu illuminant les traits de son visage, je peux distinguer les quelques cheveux blancs se détachant de sa chevelure noire. La cinquantaine entamée, elle reste néanmoins une très belle femme qui ne manque pas de susciter l'admiration autour d'elle. Sa présence est indéniable.

Physiquement, je lui ressemble énormément. Les traits fins, de grands yeux presque noirs bordés de longs cils de la même couleur. À mon grand désarroi, elle m'a aussi légué sa petite taille et son allure chétive, reflétant l'image de petites choses fragiles. Notre entourage pourrait vous témoigner qu'il ne s'agirait là que d'une façade...

Mon tempérament colérique et mon épaisse chevelure m'ont été gracieusement transmis par père.

—   Je comprends ta réaction, crois-moi. Je ne la comprends que trop bien, elle se racle la gorge comme si elle s'apprêtait à me révéler une délicate confession.

Je la regarde un moment sans comprendre, puis mon cerveau fait rapidement la liaison entre ma situation et celle qui avait été autrefois la sienne.

—   Vous aussi, vous avez été mariée de force ? 

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant