Chapitre 32 : Révélations (Partie 2) ✓

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— Je n'aurais jamais été aussi heureux avec elle, lâche-t-il au bout d'un moment en me prenant par surprise. Élise n'était pas comme les autres personnes. Elle... elle ne savait pas rendre les gens autour d'elle heureux, parce qu'elle ne l'était pas elle-même.

J'écoute attentivement ce qu'il me dit sans l'interrompre de peur qu'il se renferme à nouveau.

— J'ai longtemps essayé de comprendre pourquoi elle ne l'était pas, continue-t-il. J'avais beau me plier en quatre pour lui donner le sourire, rien ne suffisait sur le long terme. C'est comme si ses moments de joie n'étaient que de passage.

« D'aussi loin que je me souvienne, elle a toujours été comme ça. Élise et moi avons grandi ensemble car ses parents étaient très proches des miens, d'autant plus quand mère s'est retrouvée seule. Même de petite, elle avait toujours cette mélancolie gravée sur son visage. Son regard était vide d'intérêt et elle ne supportait pas de voir du monde. Je ne comprenais pas pourquoi elle semblait tout le temps aussi triste. Elle venait pourtant d'une très bonne famille avec des parents aimants.

Songeur, il gratte de son pouce son sourcil droit avant de reprendre :

— Je me rappelle, un jour, alors que nous étions âgés de huit ans, j'étais en train de jouer avec d'autres enfants, ici même. Élise était là, seule, en train de nous fixer du regard mais elle se sentait incapable de venir nous rejoindre. Alors, j'ai été la voir et je lui ai demandé pourquoi elle ne venait pas jouer avec nous. Elle m'avait répondu en pleurant : « Ils ne m'aiment pas, William, et j'ai peur des autres. » Ce à quoi j'avais répliqué qu'elle n'avait pas à se soucier de ce que les autres pouvaient penser d'elle, parce que moi je l'aimais, et que cela était bien suffisant. Quel idiot...

Pendant qu'il parlait, je m'étais visualisé la scène, les larmes aux yeux, en imaginant Élise et William, enfants, en train de sceller leur destin.

— Ce jour-là, elle m'avait offert le plus beau de ses rares sourires. C'est à ce moment-là que je me suis promis que je prendrais toujours soin d'elle et que je ferais n'importe quoi pour la rendre heureuse et revoir ce sourire à nouveau. Pourtant, elle avait continué de grandir en pensant que personne ne l'aimait. Même après notre mariage, elle refusait de m'accompagner aux soirées organisées par le roi et je devais décliner toutes les invitations de nos amis. Pour faire simple, la plupart des personnes de mon cercle ne savaient même pas à quoi ressemblait Élise. Certains allaient même jusqu'à dire que je n'avais pas réellement de femme, et que je le sous-entendais uniquement pour attirer l'attention. D'autres pensaient que je la cachais pour ne pas qu'ils puissent témoigner de la maltraitance que je lui infligeais.

Il déglutit difficilement en regardant partout, sauf dans ma direction.

— Elle passait tout son temps enfermé à l'intérieur de la maison, c'est à peine si elle mettait les pieds dans le jardin. Dès son emménagement au domaine, j'avais dû me séparer de la plupart de mes domestiques car elle ne supportait pas leur présence. Elle disait qu'ils passaient leur temps à la juger, à l'épier et qu'ils complotaient derrière son dos. J'avais beau lui dire que ce n'était pas le cas, que c'était elle qui s'imaginait des choses, elle ne voulait rien entendre. J'avais réussi à la convaincre de garder Marco et Marie avec nous à condition qu'elle ne les surprenne jamais à l'épier.

Je comprends mieux maintenant pourquoi aucun domestique ne connait la première femme de William, c'est parce qu'ils sont arrivés tous après son décès.

— Dans ces moments de lucidité, Élise était la personne la plus adorable que je connaissais, mais malheureusement ils n'étaient que de courte durée et ses idées noires reprenaient vite le dessus. Elle était comme elle était, je n'ai cependant jamais cessé de l'aimer. Aussi rares qu'ils fussent, les moments de joie que j'ai vécu avec elle en valaient chaque seconde des mauvais. Puis, un jour, elle est tombée enceinte. Elle semblait tellement heureuse d'avoir quelqu'un à aimer. Naïvement, je m'étais dit qu'un enfant lui permettrait peut-être d'être enfin comblée, d'avoir trouvé un sens à sa vie.

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