Chapitre 46 : Conversation explosive ✓

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Lorsque je me réveille, les yeux bouffis, mais revigorée, la chambre commence déjà à s'imprégner de la pénombre annonciatrice de la fin d'après-midi. Un rapide coup d'œil à l'horloge m'indique que j'avais dormi plus de deux heures. Tout ça ! Choquée, je me mets brusquement sur mes pieds, totalement réveillée cette fois-ci, et me dirige à nouveau vers le bureau de William en apportant l'ours en peluche dans la poche de ma robe.

Avant de frapper, je tends l'oreille contre la porte pour tenter de percevoir des voix s'échapper de l'intérieur, mais n'entends rien. Il doit être enfin seul... Je donne deux rapides coups comme j'ai l'habitude de le faire et entre dans la pièce. Son bureau est recouvert de livres, plans, lettres et documents en tout genre, contrastant avec les habitudes ordonnées et soigneuses de William. Mais nous ne sommes pas dans une situation habituelle...

Quand mon regard tombe sur lui, ses cheveux sont tout aussi désordonnés que son environnement, et des cernes noirs viennent ternir la magnifique couleur bleue de ses yeux. Là, c'est lui qui aurait grandement besoin d'un massage...

Son visage se relève du parchemin qu'il était en train de noircir avec de l'encre, et me sourit tandis que je viens me placer derrière lui pour masser ses épaules.

— Je suis désolé, mais je ne pense pas que j'aurais la force de poursuivre ce que nous avions laissé en suspens un peu plus tôt cet après-midi... avoue-t-il en appréciant la pression de mes mains sur ses muscles endoloris. Toi, par contre, tu as l'air d'avoir fait une bonne petite sieste à en juger par les traces d'oreiller sur ta joue.

Machinalement, je passe mes doigts sur les stries laissées par les vestiges de mon sommeil et me sens honteuse de pouvoir profiter du repos dont il aurait tant besoin.

— Oui, j'ai bien dormi... Je suis désolée.

— Pourquoi t'excuses-tu ? Tu es enceinte, Marina, il est donc important que tu te reposes suffisamment.

— Oui, mais toi aussi il faut que tu te reposes pour pouvoir être en forme le jour venu !

— Je sais, dit-il en déposant un rapide baiser sur ma main. J'ai bientôt terminé pour aujourd'hui. Je dois juste finir d'écrire cette lettre pour le roi. Ensuite, je te promets que je ne remettrais plus un pied ici jusqu'à demain matin.

Il replonge son nez dans ses écrits pendant que je me remets à vagabonder dans la pièce en admirant pour le décors autour de moi. Mon regard finit pas tomber dans celui peint de William, et me rapproche pour l'examiner de plus près. Encore une fois, le travail qu'avait fait monsieur Degivre était exceptionnel. Il arrivait non seulement à percevoir l'essence de chaque personne qu'il peignait, mais il parvenait aussi à transmettre tout l'amour qu'il portait pour cet art dans ses œuvres. On peut le sentir dans chaque coup de pinceaux, chaque détail méticuleusement observé afin de leur rendre justice, passant de la couleur blond cuivrée singulière des cheveux de William, à son nez droit puis à la légère fossette de son menton.

— Quel âge avais-tu à ce moment-là ?

— Dix-sept ans. C'est l'âge où j'ai officiellement repris le titre de représentant, et me suis lancé dans l'armée.

Pour cette occasion, mon mari avait décidé de revêtir son uniforme et arborait déjà son fameux masque d'impassibilité qu'il réservait pour le monde extérieur. Pourtant, le peintre avait réussi à capter cette flamme qui brillait aux fonds de ses yeux, vive et étincelante. Quand j'avais rencontré William pour la première fois, je ne l'avais pas retrouvée. Elle était étouffée par le remord et le chagrin qui l'habitait. Cependant, il n'avait jamais perdu la volonté de se battre et gardait, au fond de lui, espoir qu'elle se ravive un jour. Aujourd'hui, j'ai l'honneur d'attester que cette flamme continue de s'attiser de jour en jour, grâce à moi et à la petite vie que je porte dans mon ventre.

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