Chapitre 45 : Le portrait ✓

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Les derniers jours avaient été émotionnellement éprouvants pour William. La manière dont il s'était effondré lorsque je lui avais annoncé la nouvelle m'avait déchiré le cœur. Après avoir terminé d'évacuer sa tristesse, il s'était confondu en excuses et m'avait fait l'amour avec une intensité nouvelle. À la fois doux et empreints d'une résolution forte, ses mouvements avaient essayé de me faire passer un message fort comme une promesse ; celle que tout ce que nous avions battit ne s'arrêtera pas ici. Tout son corps avait traduit une violente détermination : « Je reviendrai, je te le promets. »

Après cette nuit-là, William était redevenu l'homme que j'avais l'habitude de côtoyer, calme et efficace. Ses réunions avec les différents corps militaires et ses rencontres avec le roi n'en finissent plus. Je comprends que le départ est imminent et qu'il faut impérativement que tous les préparatifs soient bouclés en temps et en heure, mais j'ai l'impression qu'on me prive de mes derniers instants avec mon mari. Dans moins de deux semaines, il partira pour le Canada et Dieu seul sait quand ou même s'il reviendra...

— Madame ? Excusez-moi de vous interrompre. Le peintre est arrivé.

La voix de Héloïse me sort de mes rêveries. Je me réalise que j'avais coiffé la même mèche de cheveux depuis plusieurs minutes.

— Oui, je suis prête !

Après un dernier regard dans la glace afin de vérifier que tout est parfait, je sors de la pièce avec une joie feinte. Me faire peindre le portrait n'entre pas vraiment dans mes prédilections... Je préférais largement être à la place du peintre ! Peut-être que je pourrais en profiter pour lui demander deux trois conseils en la matière... Non ?

Lorsque nous descendons les escaliers, je constate que Marie discute avant l'artiste d'une cinquantaine d'année. Grand et de corpulence mince, l'homme délaisse sa conversation pour poser son attention sur moi. Ses yeux noir de jais me sonde et m'examine minutieusement, comme s'ils essayaient de pénétrer dans les recoins les plus profonds de mon être. Mal à l'aise, je me retiens de lui faire savoir qu'il est extrêmement impoli de fixer une personne de la sorte, et fais mine de ne rien avoir remarqué.

— Madame, permettez-moi de vous présenter l'homme qui se chargera de peindre votre portrait, commence Marie avec un petit sourire. Voici monsieur Laurent Degivre. Il a eu l'honneur de peindre le portrait du duc et de l'ancienne duchesse. C'est un excellent artiste, je dirais même le meilleur de la région, continue-t-elle peu avare en compliments.

Ce n'est pas pour ma personne qu'elle tiendrait une description aussi élogieuse...

— Vous me flattez, Marie ! Veuillez m'excuser, Madame, si je vous ai apparu grossier. Mes vieux réflexes d'artiste ne cessent de me suivre partout où je vais. Pour essayer de retranscrire au maximum l'essence que je capte d'un modèle, je commence toujours par un examen minutieux. Évidemment, libre à vous de me faire savoir si vous souhaitez que je change ma façon de travailler ou non.

L'essence ? Comment avait-il fait pour capter celle d'Élise ? Je repense à son tableau, enfermé dans une pièce juste au-dessus de nos têtes, et je dois avouer que ce qui s'en dégageait représentait parfaitement la jeune femme. Il avait réussi à retranscrire et magnifier toute sa fragilité en quelques coups de pinceau. Je veux bien croire Marie quand elle prétend que cet homme est le meilleur de la région.

— Ne vous en faites pas, Monsieur, je comprends. Je peins moi-même à mes heures perdues, mais je suis bien loin d'arriver à capter l'essence de ce que je vois comme vous le faites. J'ai pu admirer vos travaux et ils sont exceptionnels.

— Je vous en remercie, Madame, dit-il en inclinant respectueusement son torse. Mon matériel est déjà installé dans le salon, alors nous pouvons commencer quand vous le désirerez.

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