Chapitre 42 : L'auteur présumé (Partie 1) ✓

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Sans l'ombre d'une hésitation, je me lance à la recherche de Marco afin de lui faire part de mes découvertes. Après avoir fouillé tout le rez-de-chaussée sans aucune trace du majordome, je croise une bonne dans le couloir et lui demande s'il elle l'avait aperçu.

— Je viens de le voir sortir dans le jardin, Madame, m'annonce-t-elle en continuant d'épousseter les rideaux.

Pendant une fraction de seconde, j'ai envie de lui dire que d'autres mériteraient nettement plus son attention, mais je me retiens et file vers la porte de derrière.

Je finis par repérer sa longue silhouette voutée dans le petit parc, en train de donner différentes directives au jardinier. Une fois arrivée à leur hauteur, le vieil homme me rejoint en clopinant, le front barré d'inquiétude.

— Quelque chose ne va pas, Madame ?

Je nous guide vers un coin plus discret, derrière un arbre et lui fourre la peluche sous le nez.

— Mais qu'est-ce que ? lance-t-il, surpris, en reculant son visage de quelques centimètres pour pouvoir mieux l'admirer.

— J'y suis retournée, Marco ! Et, j'ai trouvé cet ourson caché sous les couvertures du lit !

— Vous y êtes allée sans le duc, s'exclame-t-il encore plus déboussolé.

— Oui, je suis consciente que je n'aurais peut-être pas dû, mais j'avais besoin de savoir, m'expliqué-je, rapidement. Au début, je pensais effectivement que mes recherches n'allaient pas porter leurs fruits. À part une chambre vide de toutes essences humaines, c'était tout ce que j'avais trouvé. Jusqu'à ce que mon regard tombe sur cette petite peluche. Regardez, elle est faite main ! C'est Élise qui l'a fabriquée !

Marco s'en empare et l'examine de ses yeux curieux. Après l'avoir retourné dans tous les sens, il me le rend en comprenant où je veux en venir.

— Seigneur... alors, je ne me serais pas trompé ? souffle-t-il pour lui-même. Une personne prévoyant de s'ôter la vie et celle de son enfant ne prendrait pas la peine de confectionner un présent pour lui.

— D'autant plus s'il n'est pas encore terminé... continué-je en caressant du pouce l'endroit où le deuxième bouton aurait dû être cousu.

Raide comme un piquet, le majordome fixe un point invisible derrière moi, en proie aux incertitudes qui le hantent depuis de nombreuses années et semblent maintenant s'avérer fondées. Puis, il secoue la tête pour s'extirper de ces pensées bien trop éparses et reprendre son sang-froid.

— Il est vrai que vous avez fait là une découverte bien déconcertante, mais cet ourson ne prouve rien.

Et pourtant, plus les pièces de l'engrenage s'emboitent dans son esprit plus son corps est parcouru de tics nerveux. Les tempes couvertes de sueur, il se pince l'arête du nez et inspire profondément. Soit il tente de se contrôler pour éviter de m'en dire trop, soit il remet en cause tous les fondements auxquels il a cru si ardemment. Pourquoi ? Le poids de la vérité est-il trop dur à supporter ?

— Je ne comprends pas, vous étiez le premier à me faire part de vos doutes quant à la mort d'Élise. Et maintenant que nous avons quelque chose de concret, vous reculez ? Effectivement, ceci ne prouve pas qu'elle ait été assassinée. Toutefois, il prouve que son acte n'était pas prémédité !

— Je sais tout cela ! s'emporte-t-il en me prenant au dépourvu. Ça prouve aussi que vous n'êtes pas en sécurité ! Élise était une âme fragile et influençable. Il savait qu'avec deux trois belles paroles, il aurait pu lui faire ingurgiter n'importe quoi !

Anxieuse, je serre mes jupons dans mes poings et fixe l'homme qui ne ressemble plus en rien à celui que j'ai connu. Les cheveux ébouriffés, Marco semble comme possédé par ses démons.

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant