Chapitre 61 : Ce mal-aimé ✓

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William avait repoussé l'inévitable à son paroxysme quand il se décida à quitter les bras de sa sœur pour se rendre auprès du roi, à Versailles.

Perché sur le dos de Lunie, le duc profita de ses dernières minutes de répit afin de parachever son discours. Celui-ci se devait d'être parfaitement étudié s'il voulait éviter de froisser la dignité de Sa Majesté. Il sut, pourtant, ô combien cette tâche pouvait se montrer périlleuse... Pourrais-je être guillotiné pour cela ?

Dès qu'il commença à distinguer les contours du château au loin, son cœur se mit à battre de plus en plus vite dans sa poitrine, le forçant à haleter. Le dos orienté vers les rayons de soleil, le duc les laissa l'envelopper de leur douce chaleur réconfortante et prit de grosses goulées d'air pour se calmer.

Derrière lui, il entendit les lourds sabots d'une monture marteler le sol à vive allure, ruinant ses tentatives d'apaisement au passage. Il n'en fallut guère plus pour que son corps se tende, aux aguets, et ses poils se hérisser. D'une rapide pression contre les flancs de son cheval, William se tourna vers l'auteur de tout ce raffut. Toujours faire face au danger !

— William, s'écria l'homme.

Le concerné plissa les yeux pour essayer de distinguer la silhouette se dessinant à contrejour. Ce fut avec un profond soulagement qu'il reconnut la voix de John lorsque celui-ci l'interpella pour la seconde fois. Rassuré, le duc répondit aux grands signes de son ami en rebroussant chemin, un grand sourire aux lèvres.

— Mon ami !

William sauta de sa monture dès qu'il fut à hauteur de celle de son ami et l'enlaça avec force. John resserra son étreinte, fou de joie.

— Bon sang ! Je t'ai vu tomber dans ce satané fossé, tout ensanglanté ! J'ai ramené ton corps, et pourtant tu es !

Il se recula un bref instant pour admirer le visage de William, puis l'attrapa fermement pas les épaules :

— Comment ai-je pu me tromper à ce point ? Si j'avais su, je ne t'aurais jamais laissé là-bas !

— Je sais, je sais, concilia le duc. Ne t'inquiète pas, mon ami. J'ai tout fait pour que tu le penses. Pour tout te dire, j'y ai presque cru, moi aussi.

— Que veux-tu dire ? Lorsque j'ai reçu ta lettre hier, j'ai d'abord pensé à une mauvaise plaisanterie. Heureusement que Juliette a été là pour placer un siège sous la croupe, sinon je me serais écroulé à même le sol !

Celui-ci marqua une pause avant de reprendre, le souffle court :

— Ensuite, je me suis rendu compte que ton billet comportait bien trop spécifiés pour n'être qu'une simple plaisanterie. Par conséquent, j'ai décidé de venir te voir le plus vite possible afin d'en être certain. Ton épouse m'a dit que tu te rendais chez le roi cet après-midi. Quand je t'ai vu sur ce cheval, j'ai tout de suite su que c'était toi !

— Il y a tant de choses que je dois te conter, mon ami !

— Je compte bien entendre ce que tu as à me dire sur le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Ivre de joie, William ne remarqua pas tout de suite la main de bois qui habillait le moignon du colonel. Ce fut seulement lorsqu'ils regrimpèrent sur leur monture que le duc prit conscience de sa présence en voyant son ami tenir ses rênes avec une seule main.

— John, ta main !

— Oh, ne t'inquiète pas, dit-il en la lui montrant. Je l'ai perdue durant ma bataille contre ton assaillant. Ça n'a pas été de mince affaire, mais ce sacrifice en a valu largement la peine. Je ne l'aurais jamais laissé m'échapper. Finalement, je m'en suis beaucoup mieux sorti que toi, déclara-t-il en laissant son regard errer sur le général.

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