Epilogue

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Un an plus tard

— Reviens donc par ici, petit chenapan ! crie Maria en pourchassant Eléonore à travers les couloirs de l'institut. Cette enfant va réussir à avoir raison de moi, souffle-t-elle, à court d'haleine, quand elle arrive à ma hauteur.

— Laissez là gambader comme bon lui semble, Maria. Je doute que quoique ce soit puisse lui arriver ici, répondis-je en tendant un bol de soupe au petit Antoine. Fais bien attention, elle est très chaude.

Celui-ci me remercie copieusement avant de rejoindre son lit, trop heureux de pouvoir déguster un repas chaud.

— Ça, vous n'en savez rien, jeune fille ! Un accident peut être si vite arrivé. En outre, il semblerait que la fille ait hérité de l'esprit aventureux de la mère, lâche-t-elle avant de reprendre en chasse ma fille, qui crie de joie en accélérant un peu plus l'allure de ses pas encore maladroits.

— À qui le dites-vous... murmuré-je en poursuivant ma distribution de soupe aux enfants.

Sœur Louise, une de gérante de l'établissement des Cheveux d'Ange, vient à ma rencontre, les bras chargés de linges de lit sales, avec un énième sourire de gratitude sur les lèvres.

— Je ne saurais comment vous exprimez notre reconnaissance, Madame. Grâce à votre généreuse contribution, les enfants peuvent enfin être nourris et logés dans des conditions plus que décentes ! commence-t-elle en confiant les draps à une autre sœur. Je me souviens de l'invasion de poux dont nous avions fait l'objet l'année passée comme si c'était hier, grimace-t-elle. Cependant, le Seigneur a écouté nos prières et nous a fait part de son immense bonté en vous plaçant sur notre chemin.

— Allons, allons, dis-je en me massant les reins, mon mari et moi-même pensons que l'innocence et l'insouciance des enfants ne devraient pas leur être un luxe. Ils ne devraient pas à avoir à se demander de comment demain sera. Vous n'avez pas à nous remercier pour une chose que nous jugeons aussi essentielle.

— Hélas, peu possèdent un esprit aussi pur que le vôtre, Madame. Vous devriez me laisser prendre le relais maintenant, préconise-t-elle en me confisquant la louche des mains. Il n'est pas bon de rester aussi longtemps debout dans votre état.

Son regard dévie vers la protubérance qui déforme de manière de plus en plus éloquente mon tablier avant de me sourire à nouveau.

— Vous avez raison, concédé-je en m'installant sur la chaise à bascule, non loin de là.

Je me laisse mon corps se défaire de ses nœuds en caressant mon ventre rond et admire le joyeux tableau d'enfants courant et jouant autour de moi. Certes, regarder ces pauvres enfants à l'avenir incertain et privés de leurs parents me brise le cœur. Malheureusement, ils sont beaucoup trop nombreux...

Bien que nous essayons de mettre en place tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider, nos actions semblent dérisoires par rapport au futur qui les attend. Je suis bien consciente que ces orphelins n'auront jamais la chance de bénéficier des privilèges et des facilités qu'offre une famille de sang noble. Toutefois, attester de la présence de cette petite étincelle de joie et d'innocence, que nous souhaitons tant préserver, dans les petits yeux de chacun, suffit à me combler de bonheur et à poursuivre mes efforts.

Merci, père, d'avoir préservé ma petite étincelle. Maintenant, moi aussi, je peux contribuer à entretenir celle de ces enfants.

Désormais, voilà plusieurs mois que ma vie se résume à cette éreintante routine, et pourtant, je ne l'échangerais pour rien au monde. Ce sentiment d'accomplissement et de joie qui accompagne chacun de leurs sourires, chacun de leurs éclats de rire est inégalable et irremplaçable à mes yeux. Même si cela ne durera que quelques jours, mois ou années pour certains, cela me réconforte de penser que j'ai pu participer à leur bien-être en leur offrant un moment de répit, accompagné du nécessaire pour combler leurs besoins matériaux et affectifs.

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant