— Où est l'assassin dans ce cas ? entendis-je Henri demander alors que je descends les escaliers.
— Il a tout de suite été amené auprès du roi pour qu'il puisse répondre de ses actions, répond John, venimeux. Cela fait déjà deux jours qu'on tente de lui tirer les vers du nez, mais cette petite vermine reste muette comme une carpe. Elle n'est pas près de divulguer le nom de son employeur !
— Il sera probablement condamné à la pendaison...
— Si vous voulez mon avis, marquis, il s'agit là d'un châtiment bien trop doux pour ce genre d'individu. D'autant plus que le nerf du problème ne sera pas arrêté.
Ne m'ayant pas encore remarquée, Henri affiche une mine désolée et continue d'entretenir la conversation.
— Parle-t-on déjà d'un potentiel remplaçant pour le titre ?
Choquée, je m'arrête net sur l'avant-dernière marche, tandis que John le dévisage comme s'il le voyait pour la première fois. Suspicieux, il l'examine de bas en haut avec un léger rictus de dégout sur les lèvres.
— Non... Il serait plutôt malvenu de mettre le sujet sur la table étant donné que le corps du précédent n'est même pas encore enterré, réplique-t-il, glacial. Je m'étonne de l'intérêt que vous portez à cette formalité étant donné que votre beau-frère vient tout juste de décéder.
Henri se rend compte de son erreur et laisse basculer le poids de son corps sur sa canne, le dos vouté et la mine déconfite.
— Veuillez excuser ma maladresse, colonel. Ces deux derniers jours ont été très éprouvants et je n'imagine même pas l'enfer que vous avez dû traverser, vous et vos hommes. Je tenais énormément à William, que je considérais presque comme un fils, dit-il en prétendant essuyer quelques larmes. Lisa est inconsolable, sans parler de Marina et de ce pauvre enfant... J'espère de tout cœur que nous trouverons le responsable de ce massacre !
— Je vous remercie, Henri, déclaré-je, froidement.
Les deux hommes se retournent vers moi, surpris. John retire son chapeau et vient se placer à ma hauteur. Vêtu de noir comme toutes les personnes présentes en cette sombre journée, je m'attarde un peu plus sur son allure générale et constate que la guerre ne l'a pas épargné lui non plus. Comment cela le pourrait-il ?
Son visage est strié de balafres et sa main gauche a disparue pour laisser place à moignon, dissimulé sous un épais bandage.
— Marina, je suis ravi de vous revoir sur pieds, commence-t-il, ému. Malgré les temps difficiles que nous traversons, l'arrivée de la petite Eléonore est une véritable bénédiction. C'est avec toute mon affection que je vous présente mes plus sincères félicitations. En outre, permettez-moi de vous exprimer mes plus plates excuses pour l'absence de mon épouse. Nous ne souhaitions pas que nos deux filles assistent à un spectacle aussi macabre, alors Juliette est restée auprès d'elles. J'espère que vous le comprendrez.
— Je le comprends parfaitement, John. Vous n'avez pas à vous excuser, le rassuré-je d'une simple pression à l'épaule. Eléonore restera avec Héloïse le temps de l'enterrement.
Le regarder m'est si difficile que je dois détourner régulièrement mes yeux de sa personne. Je ne peux m'empêcher de lier sa présence à celle de William, notre point de liaison et son plus fidèle ami. Ma fille loin de moi, le trou béant dans ma poitrine ne cesse de s'élargir.
Au bout d'un moment de silence, je trouve enfin la force de lui dire ce que j'ai sur le cœur.
— Je suis sincèrement heureuse de vous voir à nouveau parmi nous, lui assuré-je, les yeux humides. Quand je vous regarde, c'est comme si je le voyais lui. Je ne connais pas tous les détails sur ce qui est arrivé à William, et je ne veux pas les connaitre, mais ça me soulage de savoir que son ami est resté auprès de lui jusqu'à la fin. Merci de ne pas l'avoir abandonné, et de nous avoir ramené son assassin.
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Nos destinées
Ficción históricaEn l'an 1757, Marina Deroy, jeune bourgeoise de vingt-deux ans, voit son destin bouleversé du jour au lendemain lorsqu'elle apprend que l'entreprise de ses parents est au bord de la faillite. Le père de Marina, Arthur Deroy, décédé brutalement un a...