Chapitre 30 : Au diable la théorie, laissez place à la pratique ! ✓

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Le lendemain matin, je quitte difficilement les dernières vapeurs du sommeil tandis que je me tortille dans les draps. En tendant le bras, je sens que la place à mes côtés est fraîche, signe que William est debout depuis un moment déjà. À travers les rideaux entrouverts, les rayons du soleil viennent agresser mes pauvres yeux, ce qui n'arrange rien à mon horrible mal de crâne. Le châtiment inévitable d'une nuit bien trop courte et de piètre qualité...

Toutefois, je m'étonne d'être parvenue à trouver le sommeil malgré les révélations que j'ai apprises sur Élise hier soir. Aussi barbare que cela puisse paraître, j'avais essayé de m'imaginer dans quelles conditions tragiques elle avait perdu la vie. Comment s'y était-elle prise pour mettre fin à ses jours ? Tant de possibilités s'étaient ouvertes à elle, mais laquelle avait-elle choisie ? Choquée d'avoir eu de telles pensées macabres et inconvenantes, j'avais enfoui mon nez dans le cou de William et fermé très fort les yeux en priant pour le salut de l'âme d'Élise.

Finalement, l'épuisement avait fini par prendre le dessus sur mes pensées chaotiques et m'avait guidée dans l'inconscience. À choisir, j'aurais préféré ne pas m'être endormie si j'avais su que son fantôme allait peupler mes rêves et donner à mes angoisses une dimension beaucoup plus réelle. Dans mes cauchemars, le corps sans vie de la défunte femme de William était trimbalé dans les rues, la tête en bas. Les villageois juraient et lançaient des projectiles sur la malheureuse, tout en déversant leur rage et leur dégout sur l'acte immonde, dépravé et offensant qu'elle avait osé commettre envers le Seigneur, qui avait eu la bonté de lui offrir le précieux cadeau qu'est la vie. Sa dépouille avait ensuite été jetée dans une fosse commune sous le regard éteint de son mari, couvert de honte et déshonneur.

Je m'étais réveillée en sueur et nauséeuse, prête à vider mes tripes dans mon pot de chambre tant ce cauchemar m'avait paru réel et affreux. Je suis dégoutée du sort qu'on réserve à ces personnes qui ont commis pour seul délit de ne pas avoir réussi à trouver foi en la vie. N'étant plus présentes pour subir physiquement les conséquences de leurs actes, ces personnes, privées de leurs derniers sacrements, sont condamnées à errer dans la douleur éternelle, loin de la bienfaisance de Dieu.

William ne m'avait pas questionné sur la nature de mes cauchemars. Inutile d'être devin pour comprendre la raison de mes troubles. Ainsi, il s'était contenté de me bercer doucement dans ses bras jusqu'à ce que je parvienne à retomber dans un sommeil sans rêves. Lui-même étant passé par là, il ne connait que trop bien cette sensation de ne pas vouloir fermer l'œil car si on le fait, notre subconscient se chargera de donner vie à nos plus profondes angoisses. Je sais qu'encore aujourd'hui, il résiste à ce besoin pourtant vital. Il préfère ignorer les signaux que lui envoie son corps et laisser l'épuisement s'emparer de lui, plutôt que d'attendre que le sommeil l'emporte là où il ne veut pas aller.

Un rapide coup d'œil à l'horloge à côté de moi m'indique qu'il est dix heures passées. William a sans doute demandé à Héloïse de ne pas venir me réveiller étant donné la nuit agitée que j'ai passé.

Je repousse les couvertures d'un coup sec et me lève sans grand enthousiasme. Je ne fais même pas l'effort de m'habiller décemment et descends prendre mon petit déjeuner en robe de chambre. Tant pis...

À peine le pied posé sur la dernière marche de l'escalier, que Saphir et Noisette se précipitent hors des cuisines pour venir me saluer à coup de caresses velues autour de mes jambes.

— Hé là, bonjour à vous deux... dis-je en ne me faisait pas prier pour les caresser. Leurs doux ronronnements ont un effet immédiat et apaisant sur ma migraine, un véritable remède à elles seules !

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