Chapitre 5 : Un dîner mouvementé ✓

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Dans le même état d'esprit que mon chat, je ne perds pas une seconde pour m'installer à table et me jeter sur la nourriture.

—   Délicieux ! Tu es un vrai cordon bleu, Annie ! m'exclamé-je en avalant ma première bouchée, rapidement suivie par la suivante. Ma petite escapade en forêt m'a ouvert l'appétit plus que de raison.

Mes papilles ne peuvent s'empêcher de danser la valse dans ma bouche face au repas préparé par Annie. La volaille était fondante sous mon palais et les légumes cuits à la perfection, le tout agrémenté d'une sauce au rhum assaisonnée par un mélange d'épices dont elle seule en connait le secret.

—   Je partage l'enthousiasme de ma fille, Annie. C'est effectivement très bon, elle insiste sur le mot en me faisant les gros yeux quant à mon comportement un peu trop exubérant à son goût, et mange plus doucement, je te prie, dit-elle à mon adresse.

Mère a vraiment le don de me faire sentir comme une petite fille en me réprimandant de la sorte. Où est le problème ? Nous sommes seules, et je ne suis pas encore mariée donc je peux me permettre de manger aussi bruyamment qu'une truie si cela m'en chante.

Au diable les bonnes manières !

Je décide de ne pas répliquer sachant pertinemment que cette discussion ne nous mènerait nulle part, et me contente donc de hausser les épaules d'un air innocent en poursuivant le repas avec gourmandise.

Annie nous remercie d'une petite révérence et retourne vaquer à ses occupations.

Pensive, ma génitrice malmène de sa fourchette un morceau de viande dans son assiette à peine entamée. Un éclat d'espièglerie s'empare de moi et saute sur l'occasion ô combien rêvée de la réprimander à mon tour :

—   Mère, voulez-vous bien, je vous prie, cesser de jouer de la sorte avec votre nourriture ? C'est tout à fait inconvenant ! 

Elle lance un regard noir, mais peine à cacher son amusement derrière son verre de vin.

—   Allez, dites-moi ce qu'est-ce qui peut bien vous tracasser de la sorte ?

Elle reprend une gorgée de vin en se tenant bien droite sur sa chaise.

—   Laissez-moi deviner, vous avez rencontré un gentilhomme, mais vous redoutez ma réaction. C'est cela ? 

Surprise, elle relève la tête de son assiette et me regarde comme si un troisième bras m'avait poussé sur le visage.

—   Un gentilhomme ? J'ai bien peur de ne pas comprendre ce que tu insinues. 

—   Allons, Mère, ne faites pas l'innocente. Vous savez de qui je veux parler, le frère cadet de Lisa. Vous dites qu'elle n'arrête pas de le vanter. Comment s'appelle-t-il déjà ? Henri ? Willy ? Non... Ah, oui ! Ça me revient maintenant : William ! 

Son petit secret mis à nu, mère manque de s'étouffer avec le morceau de viande qu'elle s'était décidée à avaler. Prise d'une violente quinte toux, elle tente tant bien que mal de dégager ses voies respiratoires, les joues aussi rouges que le nez de Dominique lorsqu'il il force trop sur la bouteille.

Paniquée, je me lève et l'évente avec sa serviette en tissus tout en lui tapotant le dos.

Au bout de quelques instants, elle finit par se dégager et se rassoit, haletante.

—   Bon sang, tu veux me tuer, ma fille ? Sers-moi un peu d'eau, s'il te plaît. 

J'attrape la cruche d'eau et remplis son verre à ras bord.

— Voilà, doucement. 

Lorsqu'elle termine son verre et reprend ses esprits, je retourne m'assoir, rassurée.

—   Franchement, Mère, je n'aurai jamais pu m'imaginer que vous puiseriez avoir un faible pour un homme plus jeune que vous, la taquiné-je, hilare.

—   Mais enfin, il n'est pas pour moi. Il est pour toi. 

Je déchante rapidement, la bouche ouverte dans un O parfait. Je suis estomaquée, pétrifiée, médusée et incapable de sortir le moindre son de ma bouche.

—   Qu-que... quoi ? QUOI ! 

Je finis par retrouver l'usage de la parole et me relève comme une folle de ma chaise, l'envoyant valser au sol, en abattant mes mains sur la table.

En ce moment précis, je regrette amèrement de ne pas l'avoir laissée s'étouffer avec son morceau de dinde !

Alertées par mon remue-ménage, Maria et Annie déboulent, aux aguets, dans la salle à manger, respectivement armées d'une poêle et d'un couteau, prêtent à nous défendre d'une quelconque bête sauvage ayant envahi les lieux.

La plus âgée des deux baisse les armes quand elle se rend compte que la bête en question n'est rien d'autre que moi vociférant comme Martha, notre voisine, prônant la fraicheur de ses légumes un jour de marché. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que je venais d'être avertie, la même journée, des projets de ma génitrice qui, comptait non seulement me marier mais en plus de cela à un vieil homme.

Maria jette un coup d'œil à mère qui, la tête entre les mains, récite des prières de désespoir à qui veut bien les entendre.

—   Bien, je constate que vous le lui avez dit... 

Pendant que je cours m'enfermer dans ma chambre en claquant la porte, mère trouve à peine la force de relever la tête et de dire :

—   Cette journée a été beaucoup trop longue, Maria. Que Dieu nous vienne en aide... 

—   Vous savez comment elle est, Élisabeth, lui dit-elle en lui massant les épaules. Vous verrez ! Je suis sûre que tout ira pour le mieux demain matin...  Poursuivit-elle en se signant, ne sachant laquelle des deux elle essaye le plus de convaincre.

  Poursuivit-elle en se signant, ne sachant laquelle des deux elle essaye le plus de convaincre

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Merci à toi d'avoir lu ce cinquième chapitre !

J'espère que tu as pris autant de plaisir à lire que moi à l'écrire :)

N'hésite pas à me donner ton avis et tes éventuelles remarques sur ta lecture.

C'est avec un grand plaisir que j'échangerai avec toi.

A bientôt !

Victoria L.

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