Chapitre 37 : Comme une intuition ✓

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— Tu as tout ce qu'il te faut ? demandé-je à William en déposant une sacoche pleine de vivres sur le flanc d'Onyx.

— Oui, ça devrait aller. Je ne pars que pour deux semaines.

Je resserre mon châle autour de mes épaules en regardant mon mari se préparer pour se rendre au point de rendez-vous convenu avec les membres de son armée.

Sur le chemin du retour du bal, William m'avait confié les détails de son entretien avec le roi. Comme il l'avait pensé, Sa Majesté lui avait bien demandé d'aller combattre pour défendre les couleurs de la France. Par contre, ce que nous ne nous étions pas imaginés c'était qu'il prévoyait de l'envoyer au Canada, et non en Angleterre.

Ma surprise avait été tellement grande que je n'avais pas pu m'empêcher de hurler dans la voiture.

— Le Canada ?! Mais c'est à l'autre bout du monde ! Rien que le voyage te prendra plusieurs mois.

— Je sais, avait-il râlé. Il semblerait que les Anglais prennent de plus en plus de terrain sur les colonies françaises, alors il veut qu'on aille les repousser.

— Seulement vous ?

— C'est là tout le problème... C'est complètement insensé ! Que croit-il que nous pourrons repousser avec une seule unité ? Et surtout, combien de temps ? s'était-il énervé en craquant nerveusement les jointures de ses doigts. On a tout fait pour essayer de lui faire entendre raison, mais il est resté campé sur ses positions ! Évidemment, il est le roi après tout ! Pourquoi perdrait-il son temps à nous écouter !

J'avais été tellement angoissée que j'avais pu entendre mon cœur marteler dans mes oreilles. Et l'état défaitiste de William n'avait rien arrangé au mien. Prise d'hyperventilation, je m'étais contentée de l'écouter pestiférer contre la stratégie du roi ; si on pouvait encore la qualifier comme telle à ce stade-là.

— A croire qu'il veut monopoliser le plus de renfort sur place. Les pertes humaines et territoriales vont être considérables ! Quel gâchis !

— Peut-être qu'il enverra d'autres renforts plus tard, avais-je réussi à articuler en tentant de l'apaiser.

— Nous sommes les renforts, Marina.

Un gloussement nerveux m'avait échappé tant la situation était risible. Comment le roi pouvait-il prendre les choses avec autant de légèreté ? Comment pouvait-il accepter de tels risques ?

— Tu es son représentant ! Pourquoi est-ce que c'est toi qu'il envoie ?

— Il m'a servi tout son baratin en me disant qu'il ne voyait personne d'autre que moi pour mener à bien une telle mission. Que nul n'égalait mon expérience sur le terrain et qu'avec des soldats bien armés et formés, la victoire serait assurée. Foutaises !

Je m'étais vaguement demandée comme Juliette avait pris la nouvelle, elle aussi. Avait-elle été dans le même état que moi ? Ou bien avait-elle réussi à rester optimiste et trouver les bons mots pour aider son mari à se préparer à la guerre ? En tant qu'épouse, j'aurais dû trouver le moyen de le réconforter, de le motiver à se battre pour son pays. Mais comment étais-je censé le faire alors que même William, qui avait déjà vécu ce genre de situation, semblait au fond du gouffre ? Pour une fois, tout me semblait sans espoir... Qu'allions-nous devenir ?

— Qu'est-ce que je suis censée faire, William ? demandé-je en lui faisant part de mes doutes. Je sais que je ne devrais pas t'accabler avec mes propres peurs étant donné que ce n'est pas moi qui vais devoir quitter mon pays pour me diriger tout droit vers une mort quasi certaine. Mais, qu'est-ce que je peux faire ? Comment suis-je censée t'aider à te préparer à la pire chose qui puisse exister ? Et surtout, comment puis-je accepter le fait que tu doives déjà me quitter ?

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant