Chapitre 21 : Mauvais présentiment ✓

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Ce jour-là, Élisabeth s'était réveillée la boule au ventre en proie à l'inquiétude et à l'angoisse. Quelque chose n'allait pas...

Un mauvais pressentiment n'avait cessé de la tirailler de toute la matinée. Au moindre claquement de portes, son cœur s'arrêta de battre et elle attendit qu'un des domestiques vienne lui annoncer la terrible nouvelle. Mais, rien ne se passa...

Afin de se détendre et d'essayer de se vider l'esprit, Élisabeth se lança dans la couture et rapiéça la robe bleu ciel de sa fille, celle qu'elle avait portée le jour de ses fiançailles avec William. Marina était revenue de sa petite balade avec un pan de robe complètement déchiré. « Je l'ai coincée dans l'étrier en voulant monter Tempête... » avait-elle expliqué, penaude. Élisabeth lâcha un râle sarcastique en pensant que c'était maintenant à elle de réparer les dégâts.

Elle qui espérait pouvoir enfin se sortir sa fille de la tête, voilà que l'exercice ne faisait que renforcer son inquiétude. Peut-être que j'aurais dû commencer par une de mes robes...

Cela ne faisait que trois jours que Marina avait quitté le nid familial, mais son impertinence et sa maladresse, qui l'irritaient tant à l'époque, lui manquaient déjà énormément.

Depuis son départ après le mariage, Élisabeth s'était transformée en une véritable fontaine. La nuit, à l'abri des regards, elle laissait couler librement ses larmes en caressant l'oreiller de son défunt mari à côté d'elle. Qu'aurait-il pensé de tout ceci ? J'aurais tellement voulu que tu sois là Arthur, mon amour.

Certes, l'entreprise avait déjà repris du poil de la bête et tout le monde semblait être heureux de la tournure des événements. Alors pourquoi était-elle si mélancolique ? Elle a pourtant eu ce qu'elle désirait tant. Le domaine était sauvé et sa fille enfin mariée. Mais...

D'ailleurs, comment allait Marina ? William avait-il été prévenant avec elle ? Était-elle heureuse ?

Cette petite effrontée ne lui avait même pas envoyée de lettre comme convenu ! Si cela se trouvait, elle avait surement déjà oublié sa vieille mère !

— Et dire que je m'inquiète pour toi ! pesta-t-elle en tirant vigoureusement sur son fil à coudre.

Alors qu'elle tenta de se vider l'esprit à l'aide d'une technique plus que douteuse qui consistait à compter des moutons, Joseph entra dans le salon et retira son chapeau, porteur de deux lettres :

— Madame, voici des lettres de Madame Decléssin. Une est pour vous et l'autre pour Maria.

Sous la surprise, Élisabeth se planta son aiguille dans le doigt et lâcha un juron fort peu approprié pour une dame de sa condition. Toutefois, son irritation fit place à un grand soulagement quand elle l'entendit faire allusion à sa fille. Elle va bien !

— Voyons, ne sois pas si formel, Joseph. Marina reste Marina... Tu devrais vraiment te décider à l'appeler par son prénom, le taquina-t-elle gentiment.

Celui-ci fit mine de ne pas remarquer l'air inhabituellement tendu de sa maîtresse et attendit qu'elle ouvre la lettre qui lui était destinée.

— Si vous le permettez, Madame, j'aimerais savoir comment se porte votre fille avant de retourner au travail. D'ailleurs, je pourrais peut-être lui amener Tempête aujourd'hui ?

— Oui, bien sûr. Pourquoi pas... lui répondit-elle, distraite, en parcourant avidement le pli. Tu seras ravi d'apprendre que Marina se porte à merveille ! Elle te transmet toute son affection.

— C'est une excellente nouvelle que vous m'annoncez là, Madame. J'espère de tout cœur qu'elle sera heureuse dans sa nouvelle demeure.

Maria, ayant entendu la voix du palefrenier, entra dans le salon au pas de course :

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant