Chapitre 50 : William ✓

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Six mois plus tard.

Six mois. Voilà déjà six longs et interminables mois depuis que William était parti. Plus de cent quatre-vingts nuits passées seule dans ce lit trop grand et trop froid avec, pour seul lot de consolation, la chemise qu'il portait la veille de son départ. Malgré que son odeur tend à devenir de moins en moins perceptible à chaque jours, je la hume aussi fort que possible en redoutant le jour où elle aura complètement disparu...

Heureusement que je peux compter sur la présence du petit être, toujours plus imposant dans mon ventre, pour me tenir chaud et compagnie. D'ailleurs, l'adjectif « petit » ne semble plus vraiment coller à la description que je ferais de mon bébé au vu de mon tour de taille qui a triplé de volume au cours de ces derniers mois, au même titre que mes seins devenus lourds, durs et striés de veines. Charmant...

Cependant, je peux m'estimer chanceuse, car, selon le docteur Dubois, le terme est pour bientôt, et ma grossesse s'est merveilleusement bien déroulée jusqu'ici, même si le pire reste à venir comme le dirait ma très chère mère. Peu importe, seule la perceptive de la rencontre imminente avec notre enfant est suffisamment forte que pour entretenir ma faible lueur d'espoir dans cette vie devenue longue, triste et ennuyeuse.

De ce fait, nous avons réussi à maintenir mon état dans l'ombre du secret, à tel point que personne en dehors de ces murs n'a eu vent de la venue imminente du bébé. Passer tout mon temps enfermée à la maison sans voir le monde extérieur y a sans doute contribué pour beaucoup... La civilisation, vous dites ?

Ainsi, mes journées paraissent tout aussi interminables que mes nuits. Bien que je profite régulièrement la visite et du soutien de ma famille -en plus de celui de Lisa qui met un point d'honneur à accompagner son mari pour mon plus grand dam- aucun d'entre eux n'est William, et aucun ne peut compenser ou me faire oublier son absence. Toutefois, je leur suis reconnaissante de ne pas avoir délié leur langue, étant donné que personne n'a encore essayé de m'empoisonner ou de m'assassiner dans mon sommeil... Finalement, peut-être que William a raison et que Henri ne souhaite rien d'autre que son bonheur, lui aussi. À quoi je m'attendais ?

Étonnamment, je ne note rien d'anormal durant ce laps de temps. Toutes mes journées se ressemblent et sont étrangement calmes, comme si le temps était suspendu dans une routine perpétuelle. Marco n'est plus jamais venu me reparler de Henri. Il se contente de se mettre aux petits soins pour moi, à l'instar des autres domestiques. Pour couronner le tout, j'ai régulièrement des nouvelles de William qui se montre très évasif dans ses lettres de peur que son courrier soit intercepté, mais suffisamment loquace que pour m'assurer qu'il va bien. Cette insupportable quiétude me rend plus anxieuse que jamais. J'ai l'impression que quelque chose ne tournait pas rond, que je vais payer très cher ce prétendu moment de tranquillité. Le calme avant la tempête, c'est bien cela qu'on dit ?

Alors que je me ronge les ongles pour la énième fois, mère me tape sur la main avant de reprendre sa broderie.

— Cesse donc de te faire du sang d'encre pour rien, Marina. Je ne comprends pas ce qu'il te faut de plus pour comprendre que tout va bien ?

— Justement. Tout va trop bien.

— Mais enfin ! Où cache-t-elle la sucrière ? s'énerve Maria en ouvrant les armoires et tiroirs à sa portée.

Mon ancienne nourrice avait décidé de venir passer quelques jours à la maison pour mon plus grand bonheur, à contrario de Marie qui l'avait vécu comme son pire cauchemar. À part la similitude entre leur prénom, la comparaison peut s'arrêter là pour les deux femmes. L'arrivée de Maria avait été perçue comme une véritable tornade pour l'intendante qui passait son temps à essayer d'effacer les traces de son passage. Fidèle à son caractère exubérant, Maria s'était rapidement approprié les lieux et s'y déplaçait maintenant comme s'il s'agissait de sa propre maison. Ce qui, visiblement, ne plaît pas à la très strict et ordonnée Marie qui voit son irréprochable organisation mise s'en dessus dessous par l'intruse.

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