Chapitre 34 : Et si ? ✓

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Les deux jeunes mariés avaient rebroussé chemin d'un silence quasi total, chacun perdu dans les tréfonds de leurs pensées. On peut dire que cette matinée avait été riche en révélations et émotions, ne manquant pas de leur donner du grain à moudre.

Leurs chemins se séparèrent à mi-parcours quand Marina décréta qu'elle irait rendre une petite visite à Rony, comme elle l'avait sous-entendu plus tôt. Il n'y avait eu aucun changement ni malaise dans sa façon de se comporter. Bien qu'elle avait dû être complètement ébranlée par ce qu'elle avait appris, elle semblait être la même Marina qu'à l'accoutumé. William fut soulagé de constater que sa femme n'était pas partie à toute hâte pour ne plus jamais revenir.

Il n'avait eu pourtant aucune raison de douter. Elle lui avait promis qu'elle serait assez forte pour porter la lourdeur de son fardeau, et elle avait tenu parole.

Comme Arthur aimait lui dire à l'époque : « À deux, on peut soulever des montagnes. » Ces mots avaient pris tous leurs sens depuis que Marina était arrivée dans sa vie. Avant, il n'avait jamais eu d'épaule sur laquelle se reposer, celle d'Élise étant beaucoup trop fragile. Il avait tenté de porter le poids des tourments de sa première femme sur son dos, et ensuite, celui encore plus lourd du décès de sa famille. William pensait être assez fort pour gérer tout cela seul, mais il eut tort et la montagne s'était écroulée en l'emportant avec elle. Dans sa chute, il avait réussi à se raccrocher aux rochers bancals, cependant encore suffisamment solides pour le maintenir en équilibre et lui donner la force de continuer d'avancer : son devoir envers le roi.

Marco et Henri s'étaient évertués à ce qu'il marche sur les traces de ses ancêtres, des hommes courageux et loyaux, qui ne vivaient que pour mener à bien leur mission principale : protéger et porter allégeance à Sa Majesté. Après avoir tout perdu, William s'était jeté corps et âme dans son travail et saisissait toutes les occasions qui se présentaient à lui pour s'échapper du domaine. Il s'était dévouer entièrement à la protection de son pays, car il n'avait plus rien à perdre et rien ne l'attendait ailleurs.

Puis, Marina était arrivée comme une fleur en floraison dans sa vie. Sa fraicheur et sa personnalité lui avaient ramené ce qu'il avait perdu depuis bien longtemps : l'espoir. Avec elle à ses côtés, il se sentait suffisamment fort pour se relever et rassembler ses vieilles casseroles pour tenter de les ranger enfin à leur place.

Après tant d'années, ses sentiments pour Élise continuaient de le consumer malgré la lâcheté dont elle avait fait preuve. Au début, il l'avait haï pour l'avoir abandonné de la sorte. Pour l'avoir laissé seul et meurtri, alors qu'il avait déposé à ses pieds son cœur et son âme. En retour, elle les avait piétinés comme s'ils n'étaient que de la misérable vermine vide d'importance. Puis, il en eut assez de se mentir à lui-même. Il avait passé les premières années à se persuader qu'il la détestait pour ce qu'elle avait commis, mais c'était faux. Il l'aimait et il l'aimera toujours quoiqu'il puisse faire. Rien ni personne ne pourra changer ça, pas même Marina.

Le fait est qu'il aurait pu finir par accepter la mort d'Élise si elle ne l'avait pas fait avec un être vivant dans son ventre. Comment avait-elle pu s'adonner au pire ? Quelles en étaient les raisons ? Pourquoi ? Voilà dix longues années que le duc se posait chaque jour la question depuis cette fameuse nuit fatidique. Il avait relu des centaines de fois la dernière note laissée par sa défunte femme, en essayant d'y trouver un message caché ou un quelconque indice qui lui aurait permis de mieux comprendre, et peut-être d'accepter. Mais rien...

William avait retourné sans cesse les évènements dans sa tête pour essayer de comprendre ce qui l'avait amené à un acte aussi extrême. Certes, Élise avait ses problèmes mais elle n'aurait jamais fait de mal à une mouche, alors à son propre enfant... C'était impensable ! Parmi tous les scénarios qu'il s'était imaginés, un se distinguait des autres. Un qui paraissait plausible et qui aurait pu justifier un tant soit peu son ultime geste de détresse. Et si Élise n'avait pas emporté l'enfant avec elle, mais que l'inverse se serait produit ? Et si l'enfant qu'elle portait était déjà mort dans son ventre, et qu'en prenant conscience de cela, elle avait mis fin à ses jours sous la puissance dévastatrice du chagrin ?

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant