Chapitre 36 : Le bal royal et ses énergumènes (partie 2) ✓

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Le tumulte de la salle s'était transformé en murmure dès l'instant où la voix de l'autorité française avait surgi. Louis XV se tient fièrement à quelques centimètres de moi, le teint et la perruque parfaitement poudrés. Malgré l'air sévère marquant ses traits actuellement, il resplendit dans sa toilette de soie argentée dont les petites touches en dentelles, savamment étudiées, lui confèrent une allure majestueuse.

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive tant ma gorge est serrée de nervosité. Après avoir salué ses deux ordonnées, il pose ses deux iris bleutés dans les miennes en demandant :

— Qui est donc cette créature ?

William s'éclaircit la gorge avant de me pousser doucement vers lui.

— Votre Majesté, permettez-moi de vous présenter mon épouse, Marina Deroy.

— Deroy ? répète-t-il en fouillant dans sa mémoire. Comme le créateur de ce célèbre rhum ? Arthur Deroy ?

— Lui-même, Votre Altesse.

Le roi me tend sa main pour que je puisse la baiser. Je m'exécute en accompagnant mon geste d'une révérence que j'espère gracieuse. Il m'examine soigneusement avant de m'intimer le geste de me relever.

— Décidément, votre père était un fin créateur... J'espère que votre union avec mon meilleur élément vous a permis d'un tant soit peu essuyer les innombrables pertes liées non seulement à son décès, mais aussi à la guerre, lâche-t-il en me prenant de court. Il semblerait que nos très chers voisins britanniques prennent un malin plaisir à faire sauter les cargaisons françaises. Ces petits joueurs ne peuvent supporter se retrouver en seconde position, ajoute-t-il en ponctuant ses propos d'un geste dédaigneux de la main, soulevant quelques rires dans la salle.

Parmi ceux-ci, je décerne celui d'Henri, reconnaissable entre mille. J'avais tellement été subjuguée par la présence du roi que je n'avais même pas remarqué celle de mon beau-frère.

Le rire poli mais nerveux de William m'indique qu'il est tout aussi surpris que moi par les propos du roi. Comment peut-il savoir les formalités de notre union ? Mon regard dévie à nouveau vers Henri. Ça ne peut être que lui... Il est le seul à en savoir les causes exactes en dehors de mère. Je résiste à l'envie de lui lancer mon plus beau regard noir et feins de m'amuser de la petite plaisanterie.

— Je vous suis très reconnaissante de l'intérêt que vous portez à notre petite entreprise familiale, Votre Majesté.

— Oh, n'est-elle pas délicieuse ? demande-t-il en se retournant vers la foule, tout sourire. Dans tous les cas très chère duchesse, il est hors de question que vous quittiez ce bal sans m'avoir accordé une danse. Et il en va de même pour vous, comtesse Maréchal.

— Cela serait un honneur, accepte Juliette en s'inclinant respectueusement.

En proie à la panique, je resserre compulsivement mon étreinte autour du bras de William en me contentant de montrer mes dents dans ce qui s'apparente le plus à un sourire. Celui-ci tapote doucement ma main en répondant à ma place :

— Je vous accorde ma bénédiction, Votre Altesse, plaisante-t-il tout en sachant que le roi se ficherait éperdument d'avoir son consentement ou non.

Sa réplique fait mouche chez le concerné qui part dans un grand éclat de rire, aussitôt suivi par quelque un de ses partisans. Sont-ils payés pour rire en même temps que lui ?

— Sacré William ! Si vous les permettez, mesdames, reprend-il sérieusement, je me réserve le droit de vous enlever vos maris pour un moment. En attendant, je vous souhaite de passer un agréable moment.

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