Chapitre 14 : Le mariage ✓

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La première personne que je rencontre en entrant dans l'église est William. Je dois reconnaitre qu'il est très en beauté dans son trois pièces bleu marine, bien que son expression tende plus à ressembler à celle d'un homme se rendant à la potence, que celle d'un futur mari impatient d'épouser sa belle.

L'église est d'une beauté époustouflante avec ses peintures d'anges sur ses hauts plafonds et ses vitraux reflétant les couleurs de l'arc-en-ciel. Leurs faisceaux lumineux illuminent le grand corps de William comme s'il était l'apparition d'une quelconque divinité. Est-ce un signe ?

Tendu comme un arc, il relève la tête quand il me voit passer dans son champ de vision. Son expression est indéchiffrable, mais je crois percevoir une once d'admiration dans ses yeux tandis qu'il me fixe de ses iris d'un bleu presque transparent.

— Je vous la confie, William, lui dit mère quand nous arrivâmes à sa hauteur, le regard lourd de sens alors que j'ai une envie soudaine de faire demi-tour.

Le duc la gratifie d'une révérence et attrape ma main afin de me positionner devant lui. Il semble percevoir ma tension puisqu'il la serre d'avantage comme pour me réconforter. Ou alors, peut-être cherche-t-il, lui aussi, de quoi se raccrocher afin d'éviter de s'enfuir en hurlant ?

Maintenant, je suis aussi dans ce faisceau de lumière, chaud et réconfortant. Un sentiment de bien-être m'envahit et, tout à coup, je n'ai plus peur. Papa ?

Mon corps se décontracte tandis que je lui souris sincèrement. Tout va bien se passer, j'en suis sûre.

En sentant la tension se dissiper de mon corps, William desserre un peu sa poigne et me sourit, rassuré. Mon témoin prend place derrière moi, et Henri, tout sourire, se poste derrière son beau-frère.

Je perçois des petits cris étouffés provenant de premier rang. Lisa, folle de joie, a du mal à tenir en place, alors que Maria, à ses côtés, a déjà sorti son petit mouchoir pour éponger ses larmes. Le notaire de William, lui, s'est installé en retrait sur le dernier banc de l'église.

— Nous sommes présents en ce jour, le quatre août mille sept cent cinquante-sept, pour célébrer l'union entre Madame Marina Gisèle Deroy et Monsieur le duc William Henri Michèle Louis Decléssin, commence le prêtre en ajustant ses petites lunettes sur son nez. Devant tous ceux qui sont ici, et en présence de Dieu, Madame Marina Gisèle Deroy acceptez-vous de prendre comme légitime époux Monsieur le duc William Henri Michèle Louis Decléssin, ici présent, et de lui jurer fidélité et amour dans le bonheur comme dans les épreuves, tout au long de votre vie ? 

— Oui, je le veux, répondis-je, la bouche sèche mais d'un ton ferme.

— Monsieur le duc William Henri Michèle Louis Decléssin acceptez-vous de prendre comme épouse légitime Madame Marina Gisèle Deroy, ici présente, et de lui jurer fidélité et amour dans le bonheur comme dans les épreuves, tout au long de votre vie ? 

Après une brève seconde d'hésitation qui me paraît cent ans, il finit par sortir une bague de sa poche et, d'une voix peu assurée, il dit :

— Oui, je le veux. 

— Que le Seigneur bénisse cette alliance et vous garde tous les deux dans l'amour et la fidélité, continue le prêtre.

Il me passe la bague au doigt, les mains tremblantes. Je n'arrive pas à décerner ses émotions, mais son mal-être apparent me fait l'effet d'un poignard planté dans le cœur. Est-ce si difficile pour lui de m'épouser ?

Dès lors, je me sens comme un boulet, un fardeau qu'il va devoir porter jusqu'à la fin de ses jours.

Remarquant que mon sourire s'est volatilisé, il resserre un peu plus sa pression sur ma main en me lançant un regard navré comme s'il essayait de me dire que cela n'était pas de ma faute, mais de la sienne.

— Désormais, vous êtes unis par les liens sacrés du mariage. Je vous déclare mari et femme. Vous pouvez embrasser la mariée, dit-il à l'adresse de William.

Le cœur menaçant d'exploser de ma poitrine, je ferme les yeux et m'apprête à recevoir son baiser. Il se contente toutefois d'effleurer mes lèvres avant de reprendre sa position initiale.

Je suis loin d'être experte en la matière, mais s'il se montre aussi distant, je doute que nous puissions faire quoique ce soit ce soir.

Tant mieux ?

Notre petite assemblée m'arrache de mes rêvasseries indignes d'un tel lieu avec un torrent d'applaudissements chaleureux. Je vois mère sangloter derrière moi et la prends dans mes bras.

— Oh ! Ma petite princesse... hoquette-t-elle, la tête enfuie dans mon épaule.

Le notaire, qui nous avait rejoints entre temps, nous enjoint à aller signer les documents du mariage.

— Je vais aussi demander aux témoins de venir apposer leur signature à côté de celles des époux.

Dès que William eut fini de signer les papiers, sa sœur se jette dans ses bras, suivie de près par Henri.

— Mon Dieu, je n'y croyais plus ! souffle-t-elle, émue.

Puis, elle vient m'embrasser à mon tour, très démonstrative comme à son habitude.

— Mon frère est un petit veinard ! Vous êtes magnifique, ma belle-sœur ! Cette robe vous va à ravir. 

Belle-sœur... Ciel ! Je suis la belle-sœur d'une femme de trente ans de plus que moi !

Maria vient me féliciter à mon tour et dirige son regard vers ma bague.

— Montrez-moi ce petit bijou, vous voulez bien ? 

Oh ! J'avais déjà complètement oublié l'existence de la bague suite à la réaction inquiétante de William. Mon mari...

Maintenant que j'en suis consciente, sa présence me brûle le doigt.

— Elle est magnifique ! s'extasient les trois femmes, leur nez collé sur mon annulaire gauche.

La réaction de la marquise me fait comprendre qu'elle n'avait pas aidé William à choisir la bague. Je m'en sens étonnamment ravie, d'autant plus qu'elle correspond totalement à mes goûts : simple et élégante.

L'orfèvre qui l'avait fabriquée devait avoir un talent rare et une expérience de plusieurs dizaines d'années à son actif. Le bijou a été forgé avec finesse dans de l'or et sa forme ovale s'adapte parfaitement à mon doigt. De minuscules cristaux de diamants y ont été incrustés. Magnifique est peu dire...

— En même temps, elle n'a pas été faite par n'importe qui ! William s'est tourné vers le meilleur artisan du pays. Surchargé comme il est, mon frère n'a pas dû lésiner sur son cachet pour que sa commande soit traitée en priorité. Le petit coquin a fait cela tout seul, dans mon dos ! nous informe ma belle-sœur, hilare, quoiqu'un peu déçue d'avoir été écartée des projets de son frère.

Henri met fin à nos jacassements en nous signalant qu'il est l'heure pour nous de s'en aller.

— Et puis, j'ai une faim de loup ! s'exclame-t-il en frottant son ventre bedonnant. Rentrons au domaine et allons déguster les délicieux mets de cette domestique là... Euh, comment s'appelle-t-elle déjà ? Lucie ? Marie ? Enfin bref ! 

Il n'attend même pas d'avoir la réponse pour se diriger vers les voitures, précédé par notre petit groupe.

Devant celles-ci, je doute : que dois-je faire ? Rentrer avec mère ou avec William ? Je suis sa femme après tout...

Il met fin à mes incertitudes en me guidant vers sa calèche, le sourire aux lèvres.

— Me feriez-vous l'honneur de rentrer avec moi à notre demeure, Madame Decléssin ? 

Le rouge aux joues, j'attrape la main qu'il me tend et m'installe à ses côtés.

, où est maintenant ma place.

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant