Chapitre 55 : Le jugement (Partie 2) ✓

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Alors que tous les regards se focalisent sur elle, Charlotte Muller tente de s'enfoncer davantage contre le banc couinant sous son poids, comme si elle espérait qu'il finisse par l'engloutir et la faire disparaitre de ce cauchemar.

— Quel retournement de situation ! s'exclame le roi, amusé. Ainsi, le C. ne désignait pas un comte, mais une comtesse. Il y a-t-il d'autres cas comme celui-ci ? Est-ce que d'autres femmes comme la comtesse Muller sont prêtes à condamner leur mari pour leurs méfaits ? continue-t-il en balayant l'assemblée de ses mains. Non ? Bien ! Comtesse, veuillez nous rejoindre et répondre de vos actes, je vous prie.

Tétanisée, la dame Muller ne se lève toutefois pas, paralysée par le poids de la honte que tous ces regards lui inspiraient.

— Dois-je me répéter, comtesse ? intervient la voix impatiente de roi.

Sa voisine lui assigne un méchant coup de coude qui la sort de sa torpeur et la fait se redresser d'un bond.

Arrivée à la hauteur du roi, elle baisse son regard afin de ne pas à avoir à supporter celui, perçant et brulant de honte, de son mari.

— Quelle désolation... soupire le monarque. Se faire poignarder par sa propre famille, quelle sensation peut être pire que celle-là ? En parlant de cela, marquis Duchateau ? interpelle-t-il en se tournant vers Henri. Comment parvenez-vous à vous regarder dans la glace après avoir commandité le meurtre de votre propre beau-frère ?

À ces mots, les quelques gouttes perlantes sur le front du marquis se transforment en un véritable flot, inondant son visage et sa nuque. Haletant, il passe un doigt dans le col de sa chemise et tire dessus sans retenue pour tenter de l'élargir.

— Votre Majesté, je conçois bien que je me suis laissé aller à bien de gravissimes erreurs, mais je n'ai jamais accepté ça ! Ça n'aurait d'ailleurs jamais dû se produire ! crie-t-il presque en s'épongeant le front. En principe, tous les actes sont censés être votés de façon unanime pour qu'ils puissent avoir lieu !

— Tous les actes ? soulève le roi en grinçant des dents.

— Taisez-vous, marquis ! Vous ne faites que nous enfoncer davantage ! intervient le marquis Deville, les lèvres pincées par la colère.

— Et alors ? explose Henri. Ne voyez-vous pas que nous sommes déjà tous condamnés ? Je ne perdrai pas la tête en laissant croire au monde que je suis le responsable de ce qui est arrivé à ce pauvre William.

— Mais vous l'êtes, marquis, affirme le roi en détachant chaque mot. Même si vous n'avez pas formellement donné votre accord, vous le saviez, et vous n'avez rien fait...

— J'ai... bafouille-t-il, dépassé par ses émotions. Je lui avais dit d'être prudent !

Les membres de jury éclatent de rire face à la défense pitoyable du noble.

— Comment peut-on dire une telle chose à un homme qui s'apprête à partir en guerre ? rigole l'un d'entre eux.

— D'autant plus que vous aviez là l'occasion rêvée de vous débarrasser de représentant du roi pour de bon et en toute impunité... renchérit le duc Choiseul. Vous auriez pu intervenir, marquis, mais vous avez fait le choix de vous abstenir. Et les conséquences de nos choix finissent toujours par nous rattraper... La preuve en est, le colonel John Maréchal a assisté au meurtre de son général et nous a capturé son assassin. Faites entrer le criminel, ordonne-t-il en se tournant vers le geôlier.

Celui-ci disparait quelques instants pour revenir avec le prisonnier, couvert de coups et ensanglanté. Ses poignets et ses chevilles enchainés autour de lourds fers lui mordillant un peu plus sa peau à vif à chaque mouvement. Le sinistre cliquetis de ses chaînes retentit dans l'habitacle jusqu'à ce que le geôlier stoppe sa progression d'un coup dans les genoux qui le fait gémir de douleur.

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant