Chapitre 22 : Une revenante ✓

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Combien de temps s'était-il écoulé depuis que j'avais perdu connaissance. Trois heures ? Deux jours ? Une semaine ? Engloutie dans leur manteau de noirceurs, les ténèbres ne cessent de m'attirer toujours plus profondément dans une étreinte de plus en plus séduisante : « Viens, tu n'auras plus mal... » me disent-elles.

J'ai envie de les écouter et de lâcher prise. Mon corps n'est que souffrance et lourdeur. Pourtant, je ne peux m'y résoudre. Je ne veux pas le quitter. Je veux revoir son visage encore une fois. Sentir sa peau, sa présence. William.

Je sais qu'il est là, tout près de moi. J'ai envie de tendre la main pour le toucher, mais mon corps refuse obstinément de bouger, trop douloureux que pour pouvoir esquisser le moindre mouvement.

Il parle avec quelqu'un d'autre, une femme. Mère ?

J'entends les voix s'élever, devenir de plus en plus bruyantes. De la tristesse, de la haine et de la rancœur se déversent dans la pièce. Je reconnais les intonations de mère, morte de chagrin. J'ai envie de lui hurler que je suis toujours là, que je peux l'entendre. Je m'oblige à ouvrir les yeux, mais eux aussi ne semblent pas vouloir m'obéir.

Alors, avec le peu de force qu'il me reste, je tente d'ouvrir la bouche, sortir un son, faire un geste, n'importe quoi qui pourrait la rassurer. Les voix se calment et je sens le matelas s'affaisser sous un poids. J'ai réussi !

Une vague caresse flotte sur mon front en même temps que j'entends mère me murmurer de me réveiller. Mère, je suis là, mais j'ai chaud, j'ai froid et j'ai mal !

Mes paroles sont traduites par des gémissements incompréhensibles qui s'échappent de mes lèvres. C'est tellement frustrant.

Où est William ? Je sais que mère est là mais je n'entends plus sa voix à lui. Est-il parti ? Non, reviens !

— William ? soufflé-je.

La main qui me caresse se fige pendant un moment puis finit par se remettre à bouger. Derechef, c'est la voix de mère qui me parvient.

Soudain, d'autres sons emplissent la pièce : une porte qui s'ouvre à la volée et claque contre le mur, des voix d'hommes, des bruits de bottes martelant contre le plancher. Je sens qu'on m'arrache mes couvertures et qu'on pose quelque chose de froid sur mon front. Mécontent, mon corps est pris de tremblements violents et exprime son indignation en me faisant souffrir plus que jamais.

Toute cette cacophonie a raison de moi et je sombre à nouveau dans les méandres de l'inconscience. Est-ce la fin ?

~

Je finis enfin par émerger. Les rayons de soleil me frappent de plein fouet, agressant mes yeux de sa lueur aveuglante. Depuis combien de temps n'ont-ils plus vu la lumière du jour ?

Les paupières papillonnantes, je fais voyager mon regard dans la pièce et tombe sur Maria, endormie dans le fauteuil juste à côté de mon lit. La pauvre dort dans une position plus qu'inconfortable pour qui que ce soit, mais encore plus pour une femme de son âge.

— Maria ? l'appelé-je, la voix enrouée.

Celle-ci se réveille d'un bond et lâche un cri de douleur quand elle relève sa tête.

— Ciel ! Marina, ma petite, vous êtes réveillée ! se réjoui-t-elle en se massant la nuque.

Avec difficulté, elle parvient à se lever et venir s'asseoir à côté de moi.

— J'ai mal partout ! râle-t-elle. Comment vous sentez-vous ?

— Moi aussi, j'ai mal partout... Et j'ai la tête comme un seau ! Combien de temps ai-je dormi ?

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant