Chapitre 57 : La rencontre inespérée ✓

3.2K 345 31
                                    

« C'est bien moi, Marina.»

Sa voix retentit dans ma tête comme un son résonant contre les parois d'une grotte. Puissante, claire et lointaine.

Caché derrière sa longue barbe touffue, son teint est cireux et ses pommettes, bien que naturellement saillantes, tendent à l'extrême la fine peau de son visage. Ses joues, que je devine sous les mèches mi-longues de ses cheveux hirsutes et poisseux, sont creuses et tremblantes d'émotions.

Je laisse enfin mes yeux descendre jusqu'à son corps qui lui aussi n'est plus que l'ombre du William que j'ai laissé presque un an plus tôt. Son allure, habituellement harmonieuse et équilibrée, n'est plus qu'une masse difforme sous ses vêtements crasseux et bien trop grands pour sa maigre corpulence. Comme neige au soleil, ses muscles ont fondu sous l'écrasante oppression de la guerre, les laissant affaiblis et affamés.

Ne pouvant en supporter davantage, je replonge mon regard vers ce qui semble être la seule partie de son corps ayant survécu au carnage, ses yeux. Bien qu'ils soient plus enfoncés dans leur orbite et striés de veines, ils n'ont rien perdu de l'étincelle que je leur ai vue renaître ni de leur ardente détermination.

— Je t'avais dit que je ferais l'impossible pour te revenir.

Oui, il me l'avait bien dit...

Mes larmes tombent sur le sol alors que je suis toujours incapable de me relever.

— Je t'ai enterré, William, couiné-je une nouvelle fois.

— Tu ne rêves pas, Marina, je suis là.

Il s'avance de quelques pas et fait mine de m'attraper par les bras. Terrifiée, je recule à vive allure et percute le bureau de mon dos, ébranlant son contenu. Le cœur battant à tout rompre, je fixe le fantôme de William, accroupi et la main tendue vers moi en signe de pacification comme s'il essayait de calmer un animal sauvage.

— Touche-moi, murmure-t-il ses iris emplis de douleur.

Mes doigts percutent le liquide froid de l'encre qui s'écoule encore le long du bureau, et réalise que le toucher est en effet le seul moyen dont je dispose pour m'assurer qu'il s'agisse bien du vrai William.

Aller, Marina, c'est n'est pas si compliqué ! Qu'est-ce qui pourrait bien t'arriver ? Il s'agit de William !

Alors, je tends avec prudence ma main tremblante et couverte d'encre vers celle de mon mari, et la touche rapidement avant de la retirer comme si elle m'avait brulée. Je vérifie ensuite que la tâche est bien présente. Et elle l'est, noire et contrastante avec l'extrême pâleur de son membre.

Il est donc bien physique.

Je lâche un soupir de soulagement, et, comme ivre de la sensation, je repose ma main sans l'ombre d'une hésitation sur la sienne en prenant le temps de la palper et de l'admirer. Chaude et réconfortante. La main de William.

Une joie et un bonheur incommensurable s'emparent de moi. Tandis que les larmes ruissellent sur mes joues, j'attrape son visage entre mes paumes pour le couvrir de baisers.

— Tu es là ! Tu es vraiment là !

Les larmes de William viennent se mêler aux miennes, alors que la puissance de son amour panse les profondes entailles de mon cœur meurtri.

— C'est inimaginable, soufflé-je contre ses lèvres.

Ses bras se resserrent contre ma taille et son nez dévie vers mon cou, où il l'y plonge en inspirant profondément mon odeur comme un alcoolique en manque de boisson.

Nos retrouvailles sont interrompues par le bruit sonore du métal et de la porcelaine se fracassant contre le sol. William me relâche aussitôt et adopte une position défensive en sortant un petit couteau de sa poche.

Nos destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant