58. Honte

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On m'a enfin enlevé la poche, et Florent insiste pour que nous allions faire une promenade en famille, dans la ville voisine. Il prétend que cela me fera du bien. J'avoue que je ne suis pas particulièrement enthousiaste : je perds toujours beaucoup de sang, et j'ai du mal à marcher. Mon urètre malmené me fait souffrir, tout autant que les diverses cicatrices qui m'on été infligée. Au dernier examen post partum, j'ai été reçu par le chef de service. Il m'a dit quelques mots, plutôt orientés, comme s'il voulait s'assurer que je ne me retournerai pas contre l'hôpital. Puis elle m'a laissé entre les mains de son assistant. Je me suis ouvert à lui sur mes problèmes d'urine. Je fuis. Littéralement, tout le temps. Comme je porte encore des serviettes hygiéniques que je change au moins toutes les heures, cela ne se voit pas, mais je dois avouer que je suis plutôt inquiète : c'est mon quatrième accouchement, et c'est al première fois que ça m'arrive. L'homme en face de moi a pris ça à la légère : il m'a conseillé de réduire le café, et de ne pas boire d'alcool. J'ai insisté, en lui disant que cela était fréquent et parfois même sans que je ne fasse aucun effort. Il m'a donné un régime alimentaire pour ne pas trop solliciter ma vessie.

Il fait un temps magnifique, et il y a beaucoup de gens dans les rues. J'ai mis une jolie robe sombre. Nous venons de nous garer et nous allons déambuler dans les rues, quand soudain je me fige. Ma vessie vient de se répandre dans ma serviette. En une seule fois, d'un coup. J'ai senti tout le poids du liquide imprégner la ouate, et je sens que déjà, il commence à imprégner ma robe.

— Je veux partir !

J'ai lâché ça dans un cri de honte et de stupeur. Je suis complètement affolée. J'ai l'impression que je vais me répandre sur le sol, là, au milieu de la ville.

— Mais on vient d'arriver !

— Je sais, mais je fuis.

— Tu n'as qu'à aller te changer dans des toilettes publiques.

Florent ne comprend pas. Ma robe est déjà trempée. Un mélange d'urine et de sang coule le long de ma cuisse.

— Je ne peux pas, mes habits sont mouillés, je veux rentrer !

Ma voix est implorante.

— Mais ça va sécher, ce n'est pas grave !

Je fonds en larmes comme une enfant capricieuse. Florent est agacé. Les enfants sont déçus. Mais je refuse de faire un pas de plus. Je dois rentrer chez nous.

Le trajet retour est morose. Ils m'en veulent tous d'avoir gâché leur après-midi. Moi, je sens que j'imprègne déjà les sièges de la voiture. Quelque chose ne va pas, je le sais. Dès demain, je retourne à l'hôpital.

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant