— Alors ?
— Alors il faut que je refasse des examens, et un prélèvement. A partir de là, on déterminera la date de l'intervention.
— Bon, ben tu vois, rien de grave !
Je hoche la tête, épuisée. Le rendez-vous a été éprouvant. Se mêlent en moi l'effroi et la colère. Effroi de savoir que quelque chose en moi, ne fonctionne pas, comme si mon corps avait soudainement décidé de me trahir. Colère de vivre cela toute seule, sans soutien. Louis se met soudain à babiller, tout joyeux. Il est allé au parc avec son papa, il est heureux. J'essaie de chasser mes mauvaise pensées de mon esprit. Louis va bien, c'est tout ce qui compte.
Nous rentrons à la maison dans le silence. Florent fredonne joyeusement sur la musique tout en invectivant de temps à autres les automobilistes qui selon lui feraient mieux d'apprendre à conduire. Je regarde défiler le paysage par la fenêtre, incapable de fixer mes pensées sur quelque chose de précis. Les sentiments qui se mélangent en moi m'ont ôté toute réflexion. Une chose, cependant, émerge de ce magma boueux : si je m'en sors, je veux un autre bébé.
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Je suis au centre Curie, seule. Aujourd'hui, je suis venue par mes propres moyens, en métro. Cette fois encore, l'attente a été éprouvante, mais je l'ai mieux géré. Je sais que je vais devoir prendre sur moi pendant quelques temps, au moins pour préserver Louis. Lorsque l'on m'a fait rentrer dans le petit box pour me déshabiller, j'ai réprimé une larme, et j'ai affiché mon visage le plus neutre. Puisqu'il faut opérer, opérons. Nous allons déterminer une date pour l'opération, je suis prête.
— Toute seul ?
— C'est ça, toute seule.
Je n'en crois pas mes oreilles. La chirurgienne vient de détailler mes résultats et elle est formelle : la tumeur s'est résorbée d'elle-même.
— Mais ça arrive souvent ?
— Non, pas vraiment.
— Mais on fait quoi, alors ?
— Mais rien madame, vous ne voudriez tout de même pas que j'opère une tumeur qui a disparu?
Je sors sur le trottoir, un sourire béat sur le visage. Florent m'a dit de le tenir au courant. Je l'appelle immédiatement pour lui annoncer la bonne nouvelle mais il ne répond pas. Je ne laisse pas de message, je préfère le lui dire de vive voix. Avant de m'engouffrer dans les couloirs du métro, je profite un instant du soleil, le nez en l'air, satisfaite. Je sais que je vais tenir ma promesse : Louis aura une petite sœur.
Lorsque la clé tourne dans la serrure, je suis soulagée. J'ai essayé de le joindre plusieurs fois, mais je n'ai pu avoir que son répondeur. J'ai hâte de lui dire enfin ce qu'il en est. Florent entre et m'embrasse distraitement sur le front, avant de rejoindre la cuisine et de se préparer un en-cas sucré. Je suis impatiente, mais je le laisse arriver. Il étale généreusement de la pâte à tartiner sur une brioche, tout en consultant son facebook sur son portable. J'attends sa fameuse question. Elle ne vient pas. Voyant pourtant que je l'observe, il lève enfin le nez de son téléphone et me regarde. Je suis tout sourire, prête à lui annoncer la bonne nouvelle.
— Ça va, toi ? Tu as passé une bonne journée ?
Mon sourire s'éteint. Il ne se souvenait même pas de mon rendez-vous.
— Je suis allée à Curie aujourd'hui, dis-je dans un murmure.
Il reprend la lecture de ses notifications.
— Ah oui, c'est vrai, comment ça s'est passé ?
— La tumeur s'est résorbée.
— Cool !
Disant cela, il emmène sa tartine dans le salon pour aller regarder la télévision. Du salon, il me raconte sa propre journée, mais égoïstement, je l'écoute à peine. Inutile d'insister.
Après tout, il avait raison depuis le début : ce n'était qu'un petit bobo.
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J'ai du mal à te croire
General Fiction« J'ai du mal à te croire ». La phrase tombe un couperet. Violente, inattaquable. La femme qui vient de la prononcer est pourtant une amie bienveillante qui ne me veut que du bien. Je mets plusieurs mois à l'encaisser. Je ne sais pas encore que cett...