39. Nouveau départ

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— Alors ?

— Je crois que ça a bien marché. De toute façon, j'ai vu les autres, c'était moi le meilleur, sans aucun doute.

Florent vient de passer un entretien pour le lycée français de Dublin. Il est parti hier soir et ne rentrera que demain. Seule avec les enfants, j'ai annulé tous mes cours et j'attends depuis de ses nouvelles avec impatience. Je suis ravie de le savoir si positif.

Depuis que nous avons décidé d'avoir un troisième enfant, nous cherchons à obtenir un appartement plus grand. Mais force est de constater qu'en région parisienne, avec nos revenus, c'est quasiment impossible. Bien que cela ne m'enchante guère, Florent parle de revenir en province. Les loyers y sont plus bas et plus accessibles. Pour moi, repartir en province, c'est un peu faire demi-tour. Je suis partie du sud avec des rêves de jeunesse que je n'ai jamais réalisés, et quelque part dans un coin de ma tête, j'aspire toujours à cette carrière dans le marketing dont j'avais tant rêvé. J'en ai parlé à Florent, à demi-mot. Il s'est moqué de moi.

— Depuis quand tu n'as pas travaillé en entreprise ?

Il le sait très bien. Depuis notre retour de Dublin, il y a six ans.

— Je pourrais me former, essayer de me remettre à niveau ?

— Mais ma pauvre fille, tu es complètement has been !

Il n'a pas tort. L'avènement d'internet et des réseaux sociaux, je suis passée complètement à côté.

— Et puis il faudrait que tu gagnes bien ta vie, parce qu'il nous faudrait payer le périscolaire, la cantine...

C'est vrai. Mon salaire passerait sans doute dans les frais de garde. Alors, à quoi bon ? Petit à petit, je me suis faite à l'idée que la vie en Province serait la même qu'ici : mes enfants, un petit mi-temps, mais une meilleure qualité de vie. La seule chose que je lui ai demandé, c'est de ne pas retourner vivre auprès de son père. Depuis la mort de sa femme, il est plus méprisant que jamais. Il a même trouvé le moyen de déshériter son fils et, par là même, ses petits-enfants. Comme toujours, Florent m'a demandé de me taire. Et nous avons dû subir l'affront en souriant, dans le plus grand respect des apparences.

Florent a déjà passé plusieurs entretiens à Marseille et à Bordeaux. A chaque fois, il parcourt la France en train et je garde les enfants. On le sait toujours au dernier moment et mes familles s'agacent. Je ne leur ai pas encore dit que je risquais de les quitter bientôt. Pour le moment, il n'a pas été retenu nulle part. Florent est persuadé que c'est parce qu'il est trop compétent. Il pense que ses supérieurs veulent le retenir à Paris. C'est alors qu'une amie nous a parlé des personnels logés dans les lycées, et nous avons décidé d'explorer cette voie. Dublin ! J'espère de toutes mes forces que ça marchera !

L'appartement est grand et spacieux. La cuisine, peinte en rouge, fait face à un grand salon aux murs violets. C'est ma couleur préférée ! Je suis aux anges !

Florent n'a pas été retenu à Dublin, mais une de ses candidatures a tout de même fonctionné. Il a obtenu un emploi dans la fonction publique, en Bretagne. Ce n'était pas spécialement dans nos aspirations, mais pourquoi pas ? En plus d'un logement de fonction, Florent aura désormais toutes les vacances scolaires. Nous ne payons plus aucune facture : eau, électricité, chauffage... tout est compris ! Pour être honnête, financièrement, c'est un peu le rêve. Je regarde les trois chambres en imaginant déjà la façon dont je vais les emménager. Mes enfants vont être tellement bien ici ! Et puis, Rennes est une jolie ville. Louis a eu du mal à dire adieu à, ses amis et à sa maîtresse. Tout s'est fait en moins de deux mois : la lettre d'acceptation, le déménagement, l'emménagement... J'ai à peine eu le temps de terminer les cartons que déjà il fallait les réouvrir. Il a fallu gérer les inscriptions scolaires, les papiers administratifs, les différents changements d'adresse mais ouf : nous y sommes. Je regarde mes loulous qui jouent à même le sol, sur le parquet. Je suis sûre qu'ils vont très bien s'adapter.

Je ne travaille plus. Contrairement à ce que je pensais, l'entreprise qui m'employait en région parisienne n'a pas d'antenne ici. De toute façon, le quartier dans lequel nous résidons ne me donne pas particulièrement envie de travailler le soir. Liam a commencé l'école cette année. Je vais les chercher tous les midis, mais je dois bien avouer que je trouve les journées un peu longues. Florent travaille beaucoup. Il part à cinq heures tous les matins et fait souvent le service du soir. Il rentre vers dix-neuf heures, épuisé, mange, puis se couche. Nous nous croisons à peine. Les week-ends, le plus souvent il se repose. J'emmène les enfants au parc, pour ne pas le déranger. La vie s'écoule lentement et je pense de plus en souvent à ce petit troisième qui m'a amenée ici. Mais à moins d'être la vierge Marie, ça va être compliqué.

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant