26. Maman

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— Je suis fatiguée...

— Fatiguée de quoi ? Tu te lèves à neuf heures tous les matins !

C'est vrai. Louis est un adorable bébé qui dort bien et tard. Après le biberon de minuit ou une heure du matin, il enchaîne ses huit de heures de sommeil et nous nous levons tard, dans un câlin complice. Le matin, nous allons au parc, puis je lui prépare son repas et nous mangeons ensemble avant de faire quelques activités éducatives l'après-midi. Je n'ai vraiment pas à me plaindre. Pourtant, je traîne avec moi une fatigue incommensurable que j'ai bien du mal à décrire. Je me douche avec lui tous les matins, pour le surveiller. Il est dans le transat dans la salle de bains, et je fais le plus vite possible parce que je sais qu'il n'aime pas ça. 

Ça fait une éternité que je ne me suis pas lavé les cheveux. 

L'après-midi, j'essaie de préparer mes cours en le tenant sur mes genoux. C'est compliqué, mais j'ai la chance de pouvoir rester avec mon bébé, d'autres ne l'ont pas. Sur le forum des mamans avec qui je discute, beaucoup m'envient. Alors ce serait sans doute malvenu de me plaindre de mon manque d'attrait pour les lessives et le ménage avec un bébé dans les bras, tandis que tant d'autres rêveraient d'être à ma place. J'ai presque honte.

— Au fait, demain, je vais rentrer tard.

— Comment ça, tard ?

— Vers dix-sept, dix-huit heures.

— Mais j'ai un cours à seize heures !

— Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? J'ai du boulot ! Annule !

Je me mords les lèvres. C'est la troisième fois cette semaine. Lundi, parce que le petit était un peu fiévreux. Florent ne se sentait pas de l'amener seul au médecin, donc je m'en suis chargée. Mercredi, il est rentré tard sans me prévenir. J'ai dû m'excuser au dernier moment, en inventant tout un tas de prétextes fallacieux pour justifier mon absence. Et maintenant demain... J'en ai ras le bol et je le lui dis.

— Oh, ça va, tu gères ton emploi du temps, non ? Tu rattraperas un autre jour !

J'ai la sensation d'être corvéable à souhait. Bébé se réveille ? je n'ai qu'à y aller, après tout, je me lève tard demain. Florent a du boulot ? je n'ai qu'à décaler mes cours, après tout, je gagne bien moins que lui ! Lorsque Florent allume le téléviseur, je le houspille :

— Ce n'est pas bon pour le petit de regarder la télé, à son âge !

Il hausse les épaules.

— Tu n'as qu'à tourner le transat dans l'autre sens !

Je m'exécute, en songeant que je préférerais que le petit joue avec son père au lieu de regarder son visage obnubilé par un écran. Mais je prends sur moi. Je n'ai pas envie d'entendre une nouvelle fois à quel point son métier est prenant et combien il est écrasé par le poids des responsabilités. Tandis que moi, je ne travaille que quelques heures par jour et j'ai la chance d'être avec mon fils.

La mort dans l'âme, je pars plier le linge.

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant