30. Je n'aime pas les hôpitaux

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L'échographie et la mammographie ont toutes les deux confirmées ce que pensait le médecin : il s'agit de deux minuscules petites tumeurs qui ont élues domiciles dans mes canaux galactophores. C'est idiot, mais je me sens coupable. J'ai refusé, par peur, d'allaiter mon bébé. Et aussi absurde que cela puisse paraître, je ne peux m'empêcher d'y voir une sorte de punition divine. 

Afin de déterminer la suite, j'ai un rendez-vous à Paris, à l'institut Curie, avec une spécialiste. J'essaie de faire comme si de rien n'était, mais les pensées les plus sombres s'invitent dans mes pensées et ne me quittent pas. Surtout la nuit. Je me demande si mon fils va grandir sans moi. Ce qu'il deviendra sans sa maman. Tout ce que je pourrais manquer. 

Florent se moque de moi : ce n'est qu'une tumeur bénigne, et lorsqu'elle ne sera plus là, tout rentrera dans l'ordre. Lorsque je lui fais part de mes idées noires, il me houspille sans ménagement. D'après lui, tout ça « c'est du cinéma ». J'aurais aimé en parler à mes parents, mais j'ai peur de les inquiéter. Lorsque ma mère m'appelle, elle me parle sans cesse de ses douleurs, de sa tension, de son stress ou de sa santé fragile. Je n'ose pas en rajouter. Les seules personnes avec qui j'ai pu évoquer le sujet, ce sont les copinautes avec qui je continue à discuter sur le net. Elle seules sont au courant, demandent de mes nouvelles ou s'enquièrent de la date de mes prochains rendez-vous. Bien plus que mon propre mari.

Nous sommes en retard. Louis, à l'arrière, chante à plein poumons. Ca m'agace. Les embouteillages m'agacent. Mon retard. Le petit. Tout.

— Tu aurais pu arriver plus tôt, dis-je dans un reproche.

Le visage de Florent se ferme.

— Déjà, je te signale que j'ai pris ma demi-journée pour garder Louis !

C'est vrai. Il a pris sa demi-journée, est arrivé plus tard que prévu et maintenant nous sommes dans les embouteillages. Je le lui dis.

— En attendant, t'aurais fait comment, sans moi ?

J'imagine que j'aurais dû traîner mon bébé dans un centre de cancérologie, pendant que l'on apprenait de merveilleuses nouvelles à sa maman. Je dois sans doute le remercier. C'est ce que je fais d'ordinaire. Mais pas aujourd'hui.

— Ce que j'aurais préféré, c'est ne pas y aller toute seule, dis-je dans un murmure.

Parce que c'est ça que je lui reproche en réalité. J'ai peur. Une peur viscérale, implacable et irraisonnée. Et j'ai vraiment besoin d'avoir quelqu'un à mes côtés pour l'affronter.

Il hausse les épaules.

— Et où on aurait mis Louis ?

— Tu aurais pu demander à ta collègue.

J'espérais tellement qu'il le ferait.

— Ah ben non, je lui ai déjà demandé pour Radiohead, il ne faut pas exagérer...

Oui. Gardons le sens des priorités. 

Nous arrivons avec cinq minutes de retard et je me hâte de sortir de la voiture. Je vois qu'il ne défait même pas sa ceinture.

— Vous ne venez pas avec moi jusqu'à la porte de l'hôpital ?

— Pour quoi faire ? Non, puis moi tu sais, les hôpitaux, j'aime pas ça. Appelle-nous quand tu sors !

Le hall est plein de personnes malades. Sur des brancards, dans des fauteuils roulants. Certains n'ont plus de cheveux, d'autres ont des respirateurs. Quelques enfants jouent dans l'aire de jeu. Je m'assieds sur le fauteuil en plastique orange qui m'a été indiqué. Je suis morte de trouille, j'ai envie de pleurer. Je suis la seule à ne pas être accompagnée.

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant