Aujourd'hui, j'ai eu trente-six ans.
J'en pleure encore.
Comme les enfants, j'attendais mon anniversaire. Ma journée. Celle où je serais fêtée, surprise. J'allais être l'héroïne du jour. Après l'année désastreuse que je venais de passer, j'avais envie de l'être. Entourée, choyée. Mais déjà ce matin, à dix heures, quand on m'appelait pour me souhaiter mon anniversaire, Gabriel hurlait. Il hurlait parce que son père venait de le gifler, comme ça, sans raison. Puis Liam s'est mis à hurler parce que son père avait frappé son frère. Et pendant ce temps-là, dans le combiné, on me disait de bien me faire cajoler par ma petite famille et mon gentil mari. J'ai profité de ma douche pour fondre en larmes. Je sais pourtant que c'est souvent de cette façon que se passe ces journées-là. Si nous avons des invités, Florent va se montrer charmant. Mais si nous sommes en huit clos, comme aujourd'hui, il tentera par tous les moyens de rendre la journée détestable. Il semble être le seul à pouvoir être fêté dans cette maison.
Il n'avait pas prévu de gâteau, alors il a pris les enfants au supermarché pour aller en prendre un. Le jour même, en traînant les pieds, pour bien me montrer à quel point ce ridicule anniversaire était contraignant. Sur le pas de la porte, il a interdit à Liam de le suivre, en représailles. C'est lui qui a dit que papa avait tapé Gabriel. On n'a pas le droit de dire ça, ici.
Nous avons mangé les restes de la veille, sur la table de la cuisine, puis un gâteau industriel premier prix dans lequel les enfants avaient planté deux bougies. Il m'a offert une montre, comme chaque année. Je ne la mettrai pas, comme chaque année. Je déteste les montres et il le sait. J'aime lire, écrire, dessiner. J'aime les vêtements, les chaussures, le maquillage. Le choix est vaste. Pourtant, à chaque anniversaire, j'ai une montre, un parfum ou des créoles. Toujours les mêmes.
Le soir, nous avons terminé les restes. Les enfants chahutaient. Leur père hurlait. Et moi je pleurais.
Aujourd'hui, j'ai eu trente-six ans. Je ne sais pas ce que j'attendais de cette journée. Mais « c'est à la mesure de son désespoir que l'on prend conscience de l'espoir qu'on avait nourri ».
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J'ai du mal à te croire
General Fiction« J'ai du mal à te croire ». La phrase tombe un couperet. Violente, inattaquable. La femme qui vient de la prononcer est pourtant une amie bienveillante qui ne me veut que du bien. Je mets plusieurs mois à l'encaisser. Je ne sais pas encore que cett...