74. Impasse

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— Mais je dois partir... Il est de plus en plus violent!

— Je comprends madame, mais vous n'êtes pas prioritaire, je suis désolée. Vous avez un toit sur la tête, vous comprenez?

— Alors il faudrait que je sois à la rue avec mes enfants pour voir le bout du tunnel?

— C'est horrible à dire, mais ce serait plus simple effectivement.

Je n'en reviens pas.

— Il m'insulte tous les jours, devant les enfants. Il me pousse, me hurle dessus... C'est intenable.

— Vous pouvez déposer une plainte.

— Et après?

— On pourra envisager un accueil d'urgence.

— C'est quoi un accueil d'urgence?

— Vous irez en foyer. Mais là, avec le covid, je ne sais pas si on pourra trouver cinq places au même endroit. En toute honnêteté madame, je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour vous...

Je remercie l'assistante sociale et je raccroche mon téléphone. je sais qu'elle est sincèrement désolée de ma situation et qu'elle est tout aussi victime du système que moi.

Depuis quelques jours, Florent sort de la maison sans rien dire. On se sait pas où il va, et si on le lui demande, gare à nous. Parfois, il découche. C'est un vrai soulagement pour nous tous quand ça arrive. Tous les cinq, nous respirons enfin. La situation dure depuis des mois, et je ne trouve aucune issue. J'ai l'impression que je ne sortirai jamais ici. En tout cas, pas vivante.

Hier, Florent m'a pris à partie dans la cuisine, pour une broutille. Il s'est mis à me hurler dessus comme un cinglé et m'a poussé dans les éléments. Louis était là. J'ai compris à son regard qu'il avait aussi peur que son père que moi. Pourtant, il n'a pas hésité une seconde à s'interposer entre lui et moi, au risque de prendre, lui aussi, un mauvais coup. Dans les yeux de son père, c'est toute la haine du monde que l'on peut lire. Dans ces moments-là, il ne se contrôle plus. Heureusement, je ne sais pas si c'est le mètre quatre-vingt de son fils qui l'a retenu ou la honte, mais Florent a fini par quitter la pièce, non sans lâcher une nouvelle bordée d'insultes. Je suis une bonne à rien, une nymphomane, une assistée, une feignante, une garce... Tous les noms d'oiseaux me vont. Louis m'a dit plus tard que je l'avais défendu quand il était petit, et que maintenant c'était mon tour. La culpabilité me ronge. J'ai honte de ne pas avoir su partir plus tôt.  

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant